Le témoin / Joy Sorman

L’autrice tisse en filigrane une réflexion sur le sens de la justice.

Bart est un homme qui n’a plus grand-chose à perdre. Il décide de tout quitter pour vivre dans le palais de justice de Paris. Il s’installe sur place pour assister à différentes affaires la journée et dormir dans le faux plafond la nuit. Entre temps, il grignote deux trois petites choses à la cafétéria en déambulant de salle d’audience en salle d’audience. C’est à travers le regard de ce personnage effacé que Joy Sorman décrit tout un monde dans « Le témoin », un monde dans lequel le lecteur découvre les ressorts d’une justice parfois expéditive, parfois violente. On y tient un langage bien spécifique et les procédures le sont tout autant. Bart est plein de lucidité sur les affaires qu’il découvre et parfois il ne peut s’empêcher d’entrer en empathie avec les acteurs qu’il observe. À travers son regard c’est aussi les fonctionnements (et parfois les non-sens) d’une société qui défilent sous les yeux du lecteur. « Le témoin » est un roman qui décrit des vies cabossées avec réalisme, des vies face à l’injustice.

Le témoin, ed. Flammarion, 21 euros, 288 pages.

Même les monstres / Thierry Illouz

L’auteur revient sur sa vie et son expérience d’avocat.

Thierry Illouz parle de son parcours avec pudeur dans ce court récit autobiographique. Après sa naissance à Sétif en 1961, il grandit dans une cité avant de devenir avocat. Un avocat qui s’intéresse très vite aux marginaux et au statut de l’agresseur. Pour finir par défendre en majorité des agresseurs, des coupables. Les « monstres » comme certains les appellent selon l’affaire dont il est question. Un mot qui déshumanise et dont il est question à plusieurs reprises. Thierry Illouz en profite pour développer une réflexion sur la notion de justice, sur la place de la prison ou sur tout ce que représentent les tribunaux dans l’imaginaire collectif. Il se demande pourquoi il souhaite aussi ardemment défendre les coupables, les agresseurs. Pourquoi ces mêmes agresseurs provoquent une fascination morbide lorsque par exemple de nombreux lecteurs et lectrices lisent et dévorent des polars avec des meurtres et des coupables. « Même les monstres » donne un texte sincère, plein d’humanité et tout en nuance.

Même les monstres, ed; L’Iconoclaste, 13 euros, 105 pages.

L’Inconnu de la poste / Florence Aubenas

Un assassinat dans un bureau de poste sidère un village dans l’Ain et bouleverse des vies.

Comme souvent chez Florence Aubenas, tout est dans les détails et la justesse avec laquelle elle retranscrit des morceaux de vie. C’est encore une fois le cas dans « L’inconnu de la poste », un livre enquête sur une affaire qui a remué en 2008, le village de Montréal-la-Cluse dans l’Ain. Un village dans un décor magnifique, qui surplombe le lac Nantua. Le petit bureau de poste de la commune voit son employé Catherine Burgod être assassinée de 28 coups de couteaux un matin, le 19 décembre 2008. L’autrice s’attelle à reconstruire le contexte et les personnes qui vont graviter autour de cette affaire pendant les années qui vont suivre. Un acteur sur le déclin, un père détruit petit à petit par ce drame ou encore les amies de la victime. Avec sa façon bien à elle de raconter et une plume pleine d’humanité, Florence Aubenas dresse les portraits de tout cet entourage. On détricote avec elle les dessous de l’enquête et tout ce que cela a entraîné. « L’inconnu de la poste » est un petit livre dont on a du mal à s’extraire et dans lequel on reconnait tout de suite la patte de la journaliste. Elle parvient à restituer la fascination qu’une société peut avoir pour un crime à travers un récit sans jugement.

L’Inconnu de la poste, ed. Points, 7,50 euros, 250 pages.

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