La proie / Deon Meyer

Une nouvelle enquête de Benny Griessel et Vaughn Cupido entre Le Cap et Bordeaux.

Afrique du Sud. Le Cap. Un cadavre est retrouvé le long d’une voie ferrée où un train de luxe passe régulièrement. Ce cadavre est celui d’un ancien des services où travaillent Benny Griessel et Vaughn Cupido. Les deux compères, personnages récurrents chez Deon Meyer, font partie de la brigade des Hawks et s’occupent des affaires criminelles. Ils se retrouvent à enquêter sur ce cas épineux. Est-ce un suicide ? Un assassinat ? En parallèle à cela, un mystérieux personnage tente de se construire un quotidien banal à Bordeaux en France, en faisant table rase du passé. Un passé où il a été un ancien combattant de la branche militaire de l’ANC (l’African National Congress), autrement dit un agent de la lutte armée contre l’Apartheid.

Deux intrigues pour deux histoires qui cheminent de chapitres courts en chapitres courts comme souvent chez Deon Meyer. Les péripéties se déroulent en Afrique du Sud et en France, ce qui rend dynamique le récit. C’est efficace, prenant, avec jusque ce qu’il faut d’action sans être transcendant non plus dans les dialogues et dans les vannes. L’auteur aime toujours autant son pays mais ne peut s’empêcher de porter un regard désabusé, notamment sur sa politique.On sait à quoi s’attendre chez Deon Meyer et pourtant on se laisse porter et on y retourne. La recette est connue, certains clichés sont là et pourtant ça fonctionne. Un bon petit polar.

La proie, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 18 euros, 576 pages.

Un pied au paradis / Ron Rash

Un roman noir dans les Appalaches qui alterne les points de vue autour d’une disparition.

Un shérif, un adjoint, un couple et un désir d’enfant, il n’en faut pas plus à Ron Rash pour construire pas à pas son intrigue dans les Appalaches du Sud. Nous sommes dans les années 50 et une compagnie d’électricité rachète peu à peu les terres de la vallée. Évidemment la maison du couple en question se situe dans cette vallée. Ajoutez à cela une étrange disparition dans le voisinage et vous avez tous les ingrédients pour camper le début d’un bon roman noir.

Je découvre Ron Rash avec ce roman et c’est une belle surprise. L’intrigue prend son temps (et pour autant c’est prenant) et les sentiments des personnages sont très bien restitués. On découvre des personnalités complexes au fil des pages. L’histoire est racontée de différents points de vue selon les parties du livre. Une autre bonne idée qui fonctionne très bien et qui donne plusieurs perspectives aux péripéties. Enfin, une petite touche mystique vient s’ajouter à certains moments sans que ça prenne le pas sur la réalité. Tout ça me donne envie de découvrir d’autres romans de l’auteur, qui a vraiment une façon bien à lui de construire son récit.

extrait de la présentation : « Un récit tragique qui nous plonge au cœur de l’Amérique profonde et rurale où l’on ressent la chaleur accablante, mais aussi la peur, la jalousie, le lourd poids des secrets que cet immense lac finira par recouvrir. »

Un pied au paradis, Ed. Folio, 7,30 euros 320 pages.

Traverser la nuit / Hervé Le Corre

Un polar très sombre sur les violences faites aux femmes.

Sombre et poisseux, le dernier roman noir d’Hervé Le Corre met une jolie claque lors de sa lecture. Une jeune femme, Louise, élève seule son fils et tente de survivre à un compagnon violent qui revient inlassablement l’agresser. Jourdan de son côté, commandant de police de son état, enchaîne les affaires sordides où des femmes sont les victimes d’hommes violents et sans scrupules, que ce soit dans le cadre de violences conjugales ou dans le cadre de proxénétisme. Le commandant est désabusé et marqué par ces affaires qui se suivent et qui finissent par l’affecter. Pourtant il ne peut s’empêcher de laisser affleurer une colère sourde à chaque affaire qu’il rencontre, une colère sourde contre ces hommes qui prennent les femmes pour des moins que rien. Un des personnages qui n’est autre que le tueur va encore plus loin dans cette aversion pour les femmes. Le commandant s’engage alors dans une enquête à rebondissements qui va révéler de nombreuses zones d’ombres.

Hervé Le Corre n’a pas son pareil pour camper une scène, une atmosphère. Les phrases concises font apparaître des images aux lecteurs en quelques lignes et c’est fort. Les personnages ne sont pas en reste et construit sans manichéisme, ils font preuve d’ambiguïté dans leurs décisions et dans leurs actions.

Ce polar est plus que recommandable. Si vous ne connaissez pas la plume de cet auteur il ne faut pas hésiter une seconde.

Traverser la nuit, ed. Rivages, 20,90 euros, 320 pages.

Les Âmes sous les néons / Jérémie Guez

Une riche famille vole en éclat suite à l’assassinat du mari, sa femme va alors découvrir un monde hostile.

Je guettais cette sortie de la rentrée de janvier, repérée à la lecture du dernier numéro de L’indic. Et autant le dire tout de suite, le nouveau roman du talentueux Jérémie Guez sonne juste et on retrouve dès le début sa plume caractéristique.

Cet auteur de roman noir emmène souvent ses lecteurs dans la noirceur de l’âme humaine en mêlant une atmosphère sombre à un rythme qui n’a rien à envier aux page turner les plus efficaces. Les combats et les scènes d’action sont très bien restitués et « Les âmes sous les néons » ne fait pas exception. Il y a un sentiment d’immersion qui se dégage et en même temps une économie de mots pour décrire certaines scènes.

Dans ce cinquième roman, une jeune mère de famille qui se remet à peine d’une césarienne perd son mari. Pas n’importe comment puisque ce dernier prend une balle qui lui emporte une partie du visage. C’est donc un assassinat qui en dit long et la jeune femme va l’apprendre à ses dépends. Dans quel business son riche mari baignait-il ? Pourquoi cette mort si violente et maintenant que va-t-elle devenir avec ses nouvelles cartes en main ? Le pitch est simple et pourtant, ça fonctionne dès que tout se met en branle autour d’elle.

Un excellent roman noir qu’on ne lâche pas.

Les Âmes sous les néons, ed. La Tengo, 15,50 euros, 176 pages.

Crimes exemplaires / Max Aub

Mille et une façon d’occire son prochain.

Ce drôle de petit bouquin est construit avec un ensemble de confessions sous forme de textes courts. Des confessions qui forment des variations sur les façons de commettre un crime et autant le dire tout de suite on est en présence d’un ovni.

Ces variations sont toutes plus déjantées les unes que les autres. Max Aub est plein de cynisme et fait sourire son lecteur une page sur deux, un régal.

Crimes exemplaires, Ed. Libretto, 7,70 euros, 128 pages.

Après les chiens / Michèle Pedinielli

Retrouver Diou et ses enquêtes niçoises, toujours une régalade.

Je me suis finalement lancé dans la lecture de la seconde aventure de Ghjulia Boccanera, alias « Diou ». Enquêtrice que j’avais adoré suivre dans le premier opus, « Boccanera ». Il me tardait de retrouver cette ambiance niçoise et les traits de caractère de Diou. À la fois désabusée, drôle et en même temps pleine de saillies acerbes contre une société bancale. Un mélange qui avait fait mouche dès les premières pages. Et je vous rassure tout de suite, c’est encore le cas avec « Après les chiens ». On retrouve d’ailleurs de nombreux personnages familiers croisés dans la première enquête (même si les deux livres peuvent se lire indépendamment et que de nouveaux personnages apparaissent).

Dans cette nouvelle enquête, Diou est amenée à ressasser son passé et ses rencontres antérieurs au détour de deux nouvelles affaires. La première est déclenchée lorsque la détective fait une macabre découverte pendant un footing au mont Boron, une forêt sur les hauteurs de Nice. En parallèle à cela, une jeune femme est portée disparue et on fait appel à ses services pour la retrouver. Il n’en faut pas plus à Boccanera pour se lancer dans les deux affaires même si cela doit se faire en même temps que les services de police. Michèle Pedinielli en profite pour raconter une seconde histoire tout aussi forte qui va faire écho à ce que vit Diou. Une histoire qui se déroule à la fin de la seconde guerre mondiale en 1943 et qui vient s’intercaler entre les chapitres au fil du récit.

Je vous conseille ce polar plein d’humanité, c’est toujours aussi prenant. Une bonne nouvelle au passage lue sur les réseaux cette semaine, un troisième roman est prévu pour mars 2021 et inutile de dire que j’ai déjà hâte.

Après les chiens, ed. De l’Aube, coll. l’Aube noire, 17,90 euros, 176 pages.

La Théorie du panda / Pascal Garnier

Une fuite en avant pleine d’humanité.

Je découvre Pascal Garnier avec « La théorie du Panda » initialement paru chez Zulma en 2008, le livre a été réédité ensuite en poche dans la collection Points noirs dédiée aux romans noirs. Et effectivement, on se retrouve face un roman sombre avec une atmosphère bien particulière. Un roman avec son lot de critiques acerbes sur une société qui ne tourne pas toujours rond.

Gabriel fuit en direction de la Bretagne et se retrouve dans un petit bourg où il va faire des rencontres au fil d’une errance qui au début laisse le lecteur perplexe. Ensuite, tout prend du sens et l’auteur se régale à dévoiler au fur et à mesure le passé du personnage, mais aussi l’impact qu’il a sur les personnes qu’il rencontre dans le bourg où il atterri. Le roman noir peut alors se déployer et l’atmosphère s’assombrit.

Je suis curieux de découvrir un autre livre de l’auteur !

La Théorie du panda, ed. Zulma, 16,80 euros, 176 pages.

Les invisibles / Antoine Albertini

Une facette plus sombre de l’île de beauté.

Un true crime marquant, voilà ce que nous propose Antoine Albertini dans cette enquête. Tout démarre en 2009 avec l’assassinat dans la plaine orientale corse d’El Hassan Msarhati, un travailleur clandestin d’origine marocaine. Le journaliste ressasse dans son récit des documents liés à cet assassinat, il rencontre du monde, décrypte, réalise des allers-retours dans les années 2000. L’enquête fait émerger au fil des pages des facettes bien sombres de l’île, sans s’arrêter aux éternels clichés corses.

Le lecteur distinguera au fur et à mesure du récit plusieurs machines à broyer pour ces invisibles qui vivent sur l’île et qui deviennent de la main-d’oeuvre bon marché, exploitée. Les travailleurs clandestins ne doivent pas faire de vague pourtant ils arrangent du monde pour travailler la terre, pour devenir bouc émissaire, pour justifier des politiques, pour alimenter des ragots. Ils sont vulnérables. Ils sont isolés. Antoine Albertini porte sa focale là où peu de monde s’attarde, son enquête est importante et symptomatique de ce que vivent les travailleurs clandestins en Corse et bien au-delà de l’île.

Les invisibles, ed. Points, coll. Points Récits, 6,90 euros, 192 pages.

 

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