Eureka Street / Robert McLiam Wilson

Deux amis se débrouillent comme ils peuvent au milieu de la guerre civile irlandaise.

C’est l’histoire de deux potes qui se cherchent au début des années 90, deux potes qui surnagent dans une Irlande en pleine guerre civile. L’un est catholique et l’autre est protestant. L’un est ultra sensible et vit des histoires d’amour à répétition qui se concrétisent ou non. L’autre est le roi des magouilles et a toujours la bonne idée pour gagner quelques ronds au milieu du marasme irlandais. Deux personnages attachants campés par Robert McLiam Wilson. Ils finissent par croiser des évènements dramatiques et l’humour qui revient à plusieurs reprises dans les dialogues et dans les situations n’est pas la seule teinte de ce roman à part. Je découvre l’auteur avec ce livre que j’avais depuis un moment et je ne suis pas déçu. Les non-sens du conflit irlandais et plus globalement de la guerre ne sont pas en reste au fil du récit. On prend beaucoup de plaisir à suivre Jake, Chuckie et sa bande dans ces histoires pleines d’humanité.

Eureka Street, ed. 10/18, 8,80 euros, 545 pages.

Ton absence / Guillaume Nail

La naissance d’un sentiment amoureux au milieu d’un groupe de potes.

Léo s’est formé un groupe de potes lors de son premier stage théorique pour obtenir le BAFA. Il a créé des liens forts et la bande est proche, à tel point qu’ils repartent ensemble pour le second stage, l’approfondissement. Un stage qui fait partie du parcours pour obtenir le BAFA et faire de l’animation. C’est pendant ce stage, le temps d’une semaine, que Léo voit naitre chez lui des sentiments pour Matthieu un autre stagiaire. Des sentiments qu’il refoule, qu’il tente de contrôler et qui en même temps, il le sent bien, le dépassent un peu. Le regard du groupe sur cette relation naissante va beaucoup jouer sur les comportements de Léo mais aussi sur ceux de Matthieu, qui lui de son côté est plutôt solitaire et dénote dans la bande qui réalise le stage. Il y a de tout dans ce court roman touchant de Guillaume Nail. Une forme d’écriture libre sur certaines pages, des passages qui côtoient de la poésie, une grande importance de la nature. On est embarqués par ce que traverse Léopold, ça sonne juste. Ce court roman est rythmé par les différentes activités animées par les jeunes qui passent le stage et qui veulent l’obtenir pour poursuivre vers le diplôme. C’est aussi une façon de voir évoluer un sentiment amoureux entre deux jeunes dans un environnement qui met des barrières à ce sentiment justement. Dans « ton absence », on questionne le désir chez ces jeunes adultes, le rapport aux normes et l’impact que cela peut avoir directement dans leurs vies. Un roman qui prouve encore une fois toute la vitalité de la littérature jeunesse. À découvrir.

Ton absence, ed. Rouergue, 12,80 euros, 160 pages.

À la base, c’était lui le gentil / Ramsès Kefi

Un travail journalistique de fond important, à faire lire.

Ramsès Kefi est journaliste et écrit un reportage littéraire poignant avec ce petit bouquin. « À la base, c’était lui le gentil » est un livre prolongé par un entretien pour approfondir avec un chercheur la question de l’urbanisme et de la mobilité, notamment en banlieue. L’auteur a choisi de se pencher sur la question des rixes dans les quartiers en partant de la mort d’un jeune, Aboubakar. Un jeune originaire de Bagnolet tué en 2018 aux Lilas lors d’une rixe. Il est question au fil du texte de l’origine de ces rixes, du lien avec les collèges ou les lycées, de la géographie des quartiers et du cercle vicieux dans lequel de nombreux jeunes se retrouvent. On y croise des éducateurs ou des enseignants et enseignantes lucides. Le format court permet une synthèse du sujet. N’hésitez pas à découvrir cette collection de la revue XXI.

A la base, c’était lui le gentil, ed. XXI, coll. XXI reportage, 9 euros, 96 pages.

Pierre qui roule / Donald Westlake

Premier titre de la série avec le personnage Dortmunder.

Après avoir replongé dans les aventures de Parker le cambrioleur, je continue de (re)lire l’œuvre du maître Donald Westalke dans sa série avec Dortmunder cette fois-ci, un bandit qui a le don d’attirer les emmerdes. A peine sorti de prison au début du roman, le personnage est approché par un de ses anciens compères pour participer au vol d’une émeraude. Une fois son équipe recomposée, les joyeux lascars se lancent dans l’affaire et les évènements vont sérieusement se compliqués. C’est le début d’une longue série dans laquelle l’émeraude ne va pas être si simple à subtiliser pour Dortmunder et sa bande. « Pierre qui roule » est un roman noir qui allie humour noir, sens du rythme et dialogues d’enfer avec brio. On n’en demande pas plus, c’est très bien ficelé. Une valeur sûre encore une fois et un réel plaisir de lecture du début à la fin.

Pierre qui roule, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 8,65 euros, 304 pages.

Fief / David Lopez

Une troupe de potes et des vies qui s’écoulent. Un roman marquant.

« Fief » au risque de répéter ce qui a été dit et redit lors de sa sortie est avant tout un roman avec une langue travaillée, qui marque. La langue d’un auteur qui a trouvé sa plume et qui décrit avec beaucoup de justesse les vies de jeunes marginaux vivant en banlieue. Ni dans une très grande ville, ni dans une campagne perdue. On rencontre Jonas et ses potes, on découvre leurs quotidiens et on les suit du club de boxe aux soirées plus ou moins galères en passant par les souvenirs de leurs enfances. Comme dans le roman récent de Diaty Diallo, David Lopez s’attarde sur ses jeunes sans jugement ni pathos. Il y a un réalisme et une vraie atmosphère qui se dégage de ce roman, l’intrigue n’est pas l’enjeu. On visualise tout de suite les scènes et en même temps on sent que l’auteur n’est pas dénué d’empathie pour ses personnages, notamment Jonas le roi de l’esquive, le personnage principal. « Fief » est une belle découverte.

extrait : « Alors que nous ce sont des bleus, des poumons encrassés et quelques neurones qu’on sème sur un chemin qui ne fait rien d’autre que tracer une boucle. »

Fief, ed. Points, 7,60 euros, 240 pages.

Le Gros, le français et la souris / Raul Argemi

Lorsque trois anciens taulards se rencontrent par hasard, cela n’augure rien de bon.

Le Gros, le français et la souris sont trois personnages qui ont fait de la prison ensemble il y a bien longtemps. Le français est un anarchiste nerveux qui peut vriller en un claquement de doigts. La souris est un ancien boxeur qui voit rarement plus loin que le bout de son nez et qui pratique régulièrement le shadow pour ne pas oublier son passé. Et Gros est le réceptionniste de l’entreprise qui est au centre du roman. C’est lui le narrateur et il décide de raconter au lecteur comment il se retrouve dans une combine en carton avec ses deux compères. Car après être sortis de prison les trois personnages se rencontrent de nouveau et décident de monter un coup ensemble. C’est à partir de l’enlèvement de la femme du patron de Gros que les choses vont se gâter et que chacun va jouer double jeu à sa manière. Raul Argemi a une façon bien à lui de raconter la psychologie de ses personnages dans ce polar particulièrement sombre, teinté d’humour noir. Les dialogues sont d’enfer. C’est un roman où les puissants en prennent pour leur grade. C’est aussi un roman dans lequel il ne faut pas se fier aux apparences, l’auteur aime mettre de la nuance et de la complexité dans ses personnages, un peu comme le personnage du Français, l’anarchiste imprévisible. Le tout forme un court polar plus dense qu’il n’en a l’air et permet de découvrir l’auteur de Patagonia Tchou Tchou.

Traduit par Jean-François Gerault.

Le Gros, le français et la souris, ed. Payot Rivages, coll. Rivages noir, 8,15 euros, 208 pages.

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