Police du peuple / Norman Spinrad

Un roman noir qui questionne le rôle de l’institution policière.

La saison des ouragans à la Nouvelle-Orléans se répète chaque année, ajoutez à cela une très mauvaise combinaison avec la crise économique locale qui touche la ville et vous avez l’environnement dans lequel se déroule le roman de Norman Spinrad. La population ne peut plus rembourser les emprunts des habitations et plusieurs personnes sont menacées d’expulsion. La crise n’est pas loin. Luke Martin, policier de son état, est chargé de s’occuper des litiges en lien avec ces expulsions. Jusqu’au jour où il reçoit lui-même un avis d’expulsion. Il décide de ne pas laisser passer cela et va alors mettre le nez dans la politique locale avec toutes les magouilles qu’elle cache. Il souhaite remettre en question son expulsion. Luke faisant partie des forces de l’ordre, il se sent pleinement légitime pour le faire. Il rencontre alors des truands mais aussi de mystérieux personnages vaudous, le tout dans une atmosphère où l’institution policière est plus que jamais remise en question. « La police du peuple » est un roman noir qui se tient mais qui donne la sensation de ne jamais décoller. Le propos est bien là mais on a du mal à accrocher avec les personnages. Le tout manque de rythme, dommage. Si vous voulez vous baladez du côté de la Nouvelle-Orléans j’aurais plus tendance à vous conseiller les polars de Sara Gran et de son héroïne Claire DeWitt.

Police du peuple, ed. Fayard, 20,90 euros, 300 pages.

Ne me cherche pas demain / Adrian McKinty

Le retour de Sean Duffy, policier redoutable et borderline.

On connait son talent redoutable pour les romans noirs qu’on ne lâche pas et c’est avec plaisir que l’on retrouve Adrian McKinty dans ses œuvres avec « Ne me cherche pas demain ». Le troisième bouquin traduit des aventures du policier Sean Duffy mais qu’il est possible de lire indépendamment. Non loin de Belfast, en 1983, le policier Sean Duffy est encore de la partie et se retrouve en fâcheuse posture au début du roman. Il est mystérieusement accusé d’avoir renversé quelqu’un en voiture et est radié de la police pour ça. A peine sa retraite mélancolique débutée que le MI5 se rapproche de lui pour lui proposer une mission en échange de son retour dans les rangs de la police. Retrouver un ancien pote à lui, Dermot, qui est devenu un membre actif de l’IRA et qui s’est évadé il y a peu de prison. Voilà Sean lancé à sa poursuite dans une nouvelle affaire aux nombreux rebondissements. Le policier atypique et intello sur les bords va d’ailleurs croiser la route d’une seconde enquête à résoudre, une enquête qui rend hommage aux meilleurs romans à énigme. Le personnage de Sean Duffy est toujours passionnant à suivre. Doté d’un humour et d’une répartie d’enfer, Duffy fait partie des policiers qui sortent des carcans des enquêteurs plus classique. En plein conflit Nord Irlandais, le policier va se retrouver à plusieurs reprises dans des situations plus que tendues et à aucun moment le rythme ne s’essouffle. On dévore ce bouquin et retrouve avec plaisir le ton de McKinty. A noter que plusieurs aventures de Sean Duffy n’ont pas encore été traduite, on espère que ce sera le cas.

Ne me cherche pas demain, ed. Actes Sud, 23,50 euros, 384 pages.

Une tâche sur l’éternité / James Lee Burke

La découverte de l’inspecteur Dave Robicheaux et une première claque.

Robicheaux connait bien la famille Sonnier. Dave a servi au Vietnam avec Lyle Sonnier, il a été à l’école avec Weldon et a été l’amant de Drew à une époque. Une nuit, la maison de cette famille va être la cible de mystérieux bandits. Une fois entrés dans la maison, ils vont saccager l’habitation. L’inspecteur Dave Robicheaux va alors creuser pour comprendre cette affaire et remuer le passé des Sonnier. Je découvre la plume de James Lee Burke avec ce roman noir magnifique et je dois reconnaitre que je suis conquis. L’auteur campe des personnages complexes et toute une atmosphère. En une page et à travers une écriture remarquable, on est au cœur de la scène décrite. On est dans un juste dosage entre les dialogues, les scènes d’action et les passages qui s’attardent sur l’ambiance de la Louisiane ou de la Nouvelle-Orléans. Complexe et très bien amené, « Une tâche sur l’éternité » offre un très bon moment de lecture. Un gros coup de coeur.

Une tâche sur l’éternité, ed. Rivages, coll. Rivages Noir, 9,65 euros, 480 pages.

La Maison du commandant / Valerio Varesi

Une nouvelle enquête le long du fleuve Pô de l’incontournable inspecteur Soneri.

Au début du roman le commissaire est envoyé par son chef sur les bords du Pô, le fleuve Italien. Il doit surveiller les pêcheurs et autres braconniers du coin dans cette région, appelée la Bassa. Une découverte macabre l’attend, un pêcheur hongrois est retrouvé mort. C’est le début d’une nouvelle enquête dans laquelle les idées arrêtées de chacun à commencer par celles de Soneri lui-même vont être mises à mal. Le commissaire fait face à tout une communauté qui stigmatise les étrangers et cache ses petits secrets. On retrouve une atmosphère, un rythme singulier dans la narration et une mélancolie comme souvent dans les polars de Varesi. Sur les bords du fleuve et dans une brume inquiétante, le lecteur va tenter de comprendre les magouilles et autres conflits qui régissent la pêche et la vie de ce coin retranché. C’est toujours un plaisir de retrouver le dottore Soneri, son goût pour la bonne nourriture et son regard sur le monde. Un personnage attachant qui donne tout de suite envie de se replonger dans un autre roman de l’auteur.

Un extrait, les mots d’un ami du commissaire : « Si les délinquants gouvernent, alors moi aussi, je fais ce que je veux. C’est très pratique : chacun devient arbitre et établit ses propres règles. Qui peut l’empêcher ? Toi, le flic ? Qui tu représentes ? Tu t’es déjà posé la question ? chargea Nocio le regard brûlant. De qui tu es le gendarme ? Tu le sais ou tu le sais pas que tu es payé par ceux qui font les guerres et qui affament les peuples ? »

La Maison du commandant, ed. Agullo, 21,50 euros, 306 pages.

L’espion qui aimait les livres / John Le Carré

Une première avec le maître du roman d’espionnage.

Pour une première incursion dans l’univers du maître de l’espionnage, c’est plutôt réussi. J’ai bien accroché avec ce roman noir qui se lit tout seul et avec des personnages comme on aime, ambivalents et en même temps attachants. John le Carré sait y faire et ça se sent tout de suite. L’intrigue est campée très efficacement et on décortique l’enquête progressivement et les non-dits de l’histoire. Un court livre qui peut se lire à plusieurs niveaux et que ne dépolitise pas un seul instant son propos. C’est rythmé avec un humour caustique bienvenu. Je n’ai plus qu’à découvrir les anciens romans de le Carré.

L’espion qui aimait les livres, ed. Seuil, 22 euros, 240 pages.

Le Gibier / Nicolas Lebel

Un polar très bien construit qui se joue du lecteur du début à la fin.

Yvonne Chen et Paul Starski forment un duo détonnant. Le commissaire Starski est empêtré dans ses affaires personnelles d’un côté, de la maladie de son chien à des relations compliquées avec sa femme. Tandis que de l’autre, Chen est une policière taciturne et d’un pragmatisme à toutes épreuves, qui vit sa vie comme elle l’entend. Un personnage que je trouve particulièrement réussi, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat et qui ramène son coéquipier sur terre dans l’enquête qui va les occuper. Les deux protagonistes sont appelés au début du roman dans un appartement où se déroule une prise d’otage. La prise d’otage dégénère et deux hommes sont retrouvés morts à l’intérieur. C’est à partir de là que Nicolas Lebel entraîne le lecteur de rebondissements en rebondissements dans une enquête bien plus complexe qu’elle n’en a l’air. Des intérêts des grands labos pharmaceutiques à des éléments liés à l’Apartheid en Afrique du Sud en passant par la chasse à courre, le duo n’est pas sorti des ronces. Et il faut reconnaître que l’auteur a beaucoup de talent pour mener le lecteur par le bout du nez. Starski perd pied dans cette enquête qui va le toucher personnellement et Chen tente de surnager pour deux. On pense savoir où l’enquête se dirige et à chaque fois on se plante complètement. Un excellent polar.

Le Gibier, ed. du Masque, 21,90 euros, 396 pages.

Surface / Olivier Norek

Une flic est mutée dans l’Aveyron suite à une grave blessure en service.

Le capitaine Chastain est une fonceuse. À la tête de sa brigade à la PJ de Paris, elle va être marquée à vie par une descente qui dégénère un matin dans un appartement. Éloignée de son équipe et de Paris par son chef durant son rétablissement, la flic ne tient pas longtemps en place et commence à déterrer de vieilles histoires dans le nouvel environnement dans lequel elle arrive. Elle se retrouve dans l’Aveyron avec de nouveaux collègues et quelques petits villages aux alentours, où tout le monde se connait et où le rythme de vie n’a rien à voir avec Paris. Une toute nouvelle atmosphère se crée avec des fantômes du passé qui ressurgissent et d’autres surprises tout aussi réjouissantes. J’avais bien accroché avec Olivier Norek et « Entre deux mondes » et j’ai un peu moins été convaincu avec « Surface ». L’enquête est bien menée, mais je n’ai pas été embarqué plus que ça. Quelques dialogues m’ont un peu sorti de l’histoire. Par contre le personnage de Chastain est marquant et l’auteur renouvelle avec brio les personnages de flics que l’on croise habituellement dans les romans noirs.

Surface, ed. Pocket, 7,95 euros, 400 pages.

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