Les détectives sauvages / Roberto Bolano

Un classique de l’auteur Chilien à découvrir.

Juan García Madero décide de quitter ses études de droit pour consacrer tout son temps à la poésie. C’est comme ça que l’on découvre le début de l’épopée d’un personnage qui va rencontrer d’autres poètes et voyager à travers plusieurs continents en partant de Mexico. Juan García Madero rencontre alors Ulises Lima et Arturo Belano, deux autres personnages considérés comme les chefs de file d’un singulier mouvement, les réal viscéralistes. Les trois compères partent à la recherche d’une poétesse mythique et on suit une multitude de témoignages de personnages qui les ont côtoyés ou non. Dans ce roman-fleuve qui multiplie les voix, l’auteur décrit à la fois des sociétés en mutation et des personnages qui traversent les années entre les années 70 et les années 90. On se laisse porter par une écriture singulière même en étant un peu déstabilisé au début par les nombreux personnages qui défilent. Une expérience de lecture.

Traduit de l’espagnol (Chili) par Robert Amutio.

Les détectives sauvages, ed. Points, 11,50 euros, 944 pages.

Backflash / Richard Stark (alias Donald Westlake)

Une nouvelle lecture dans la série de Westlake avec Parker, son personnage cambrioleur.

On retrouve toujours avec grand plaisir Parker, le personnage sombre de Donald Westlake (à ne pas confondre avec Dortmunder, un autre personnage récurrent de l’auteur plutôt roi des gaffes). Ici on est dans l’État de New-York. Un casino flottant va bientôt s’installer dans le coin et lorsqu’un homme prend contact avec Parker pour lui proposer de cambrioler ce casino en lui fournissant tous les plans, Parker ne va pas hésiter bien longtemps. Même s’il n’est pas plus fan que cela des trucs flottants avec « une seule entrée et une seule sortie », Parker est prêt à remettre le couvert et l’appât du gain l’emporte. On suit dans « Backflash » les collègues qu’il rassemble pour ce nouveau casse et c’est toujours aussi prenant. Lire Richard Stark (le pseudo de Westlake pour sa série avec Parker) c’est souvent passer un très bon moment, avec des dialogues percutants, des chapitres qui défilent et de l’action dosée comme il faut. Le casse de la bande ne va pas être de tout repos et évidemment les imprévus vont se pointer. Si vous voulez un bouquin qui se dévore tout seul, c’est typiquement ce qu’il vous faut. On ne le répétera jamais assez mais Westlake est vraiment un excellent auteur.

Backflash, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 19,50 euros, 288 pages.

Le Livre de l’Una / Faruk Sehic

Une biographie teintée de mélancolie, à l’écriture unique.

À la faveur d’une séance d’hypnose, un vétéran de la guerre de Bosnie (1992-1995) revoit ses souvenirs ressurgir. Au fil de sa plume on découvre une enfance, une vie qui s’apprête à croiser la guerre, une vie dans laquelle l’eau et plus particulièrement le fleuve de l’Una revêt une importance particulière. L’écriture est là tout au long du bouquin comme pour panser une plaie. Une plaie qui cicatrise difficilement suite à cette guerre civile, à une confrontation avec la violence. « Le livre de l’Una » est un très beau bouquin à la langue unique, une biographie qui retranscrit comme rarement les émotions et les sensations de l’auteur. J’avais quelques réserves sur la forme avec la séance d’hypnose et finalement on se laisse complètement porter par cette langue pour découvrir un pays et un conflit assez méconnu. Un livre comme une charge contre la guerre, contre son absurdité. J’ai rarement lu un livre qui restitue avec cette justesse les conséquences d’un conflit, la condition de soldat.

extraits : « Vu le nombre de mes blessures dans lesquelles on ne peut jeter un œil qu’à la nuit tombée, car la nuit ne trahit pas les secrets, je passe très vite à la suivante. »

« Les éclats d’obus dans les arbres croissent en même temps que le tissu du bois, seuls les animaux craignent la mort comme les hommes. Les oiseaux s’envolent vers des lieux plus sûrs, vers l’arrière apaisant. »

Le Livre de l’Una, ed. Agullo, 22,50 euros, 248 pages.

La Maison du commandant / Valerio Varesi

Une nouvelle enquête le long du fleuve Pô de l’incontournable inspecteur Soneri.

Au début du roman le commissaire est envoyé par son chef sur les bords du Pô, le fleuve Italien. Il doit surveiller les pêcheurs et autres braconniers du coin dans cette région, appelée la Bassa. Une découverte macabre l’attend, un pêcheur hongrois est retrouvé mort. C’est le début d’une nouvelle enquête dans laquelle les idées arrêtées de chacun à commencer par celles de Soneri lui-même vont être mises à mal. Le commissaire fait face à tout une communauté qui stigmatise les étrangers et cache ses petits secrets. On retrouve une atmosphère, un rythme singulier dans la narration et une mélancolie comme souvent dans les polars de Varesi. Sur les bords du fleuve et dans une brume inquiétante, le lecteur va tenter de comprendre les magouilles et autres conflits qui régissent la pêche et la vie de ce coin retranché. C’est toujours un plaisir de retrouver le dottore Soneri, son goût pour la bonne nourriture et son regard sur le monde. Un personnage attachant qui donne tout de suite envie de se replonger dans un autre roman de l’auteur.

Un extrait, les mots d’un ami du commissaire : « Si les délinquants gouvernent, alors moi aussi, je fais ce que je veux. C’est très pratique : chacun devient arbitre et établit ses propres règles. Qui peut l’empêcher ? Toi, le flic ? Qui tu représentes ? Tu t’es déjà posé la question ? chargea Nocio le regard brûlant. De qui tu es le gendarme ? Tu le sais ou tu le sais pas que tu es payé par ceux qui font les guerres et qui affament les peuples ? »

La Maison du commandant, ed. Agullo, 21,50 euros, 306 pages.

Que sur toi se lamente le Tigre / Émilienne Malfatto

Un magnifique roman sur la condition d’une femme en Irak.

Émilienne Malfatto écrit un premier roman où les sensations sont au premier plan tout comme les corps. Très bien écrit, ce roman aborde la condition des femmes en Irak mais aussi la guerre, l’autorité masculine et le poids de certaines traditions.

Sur les rives du Tigre, une jeune femme apprend qu’elle attend un enfant et pendant ce temps là son conjoint meurt sous les bombes. Cet enfant est le fruit d’une relation amoureuse hors mariage. Elle va devoir vivre avec tout ça. Son entourage aussi et ça va être plus compliqué. L’autrice choisit de restituer ces événements de telle sorte que chaque personnage exprime son ressenti. C’est rude, plein de justesse et en même temps rempli d’humanité.

Un court roman qui touche au coeur.

« Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes. »

« La guerre modifie les lois de la matière ».

Que sur toi se lamente le Tigre, ed. Elyzad, 13,90 euros, 80 pages.

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