La vallée des Lazhars / Soufiane Khaloua

L’immersion dans une vallée dans laquelle deux familles entretiennent une rivalité ancestrale.

Deux familles, les Ayami et les Hokbani habitent dans une vallée non loin de la frontière marocaine, la vallée des Lazhars. Une vallée qui a vu passer plusieurs générations et qui s’apprête à voir arriver les petits derniers notamment Amir Ayami. Un jeune homme né en France qui rentre avec son père voir sa famille et son cousin Haroun pour passer l’été. Et le temps d’un été il va redécouvrir comment ses proches ont grandi, comment les relations ont évolué au fil des années et surtout Amir va découvrir l’histoire de sa famille car son père ne lui a jamais raconté. Soufiane Khaloua écrit un très beau roman sur le temps qui passe et les générations qui se suivent. Amir débarque avec ses idéaux mais aussi avec ses à priori qu’il va apprendre à remettre en question le temps d’un été. Ce livre c’est aussi l’histoire d’une jeunesse qui se cherche à travers le poids des traditions et qui souhaite s’en émanciper. On est emportés par ces rivalités entre les deux clans et dans ces relations complexes qui se sont tissées au fil des décennies et qu’Amir découvre à son arrivée dans la vallée. L’auteur questionne ce qu’est l’identité et ses contours parfois flous. Durant cet été dans lequel Amir arrive, les deux familles vont aussi rencontrer plusieurs bouleversements et certains secrets vont ressurgir. « La Vallée des Lazhars » est un premier roman prometteur avec une plume sensible. Un roman qui démontre encore une fois tout le talent de la maison Agullo pour dénicher des textes singuliers et marquants. Un peu comme « Le livre de l’Una », une autre parution récente de cette maison d’édition.

La vallée des Lazhars, ed. Agullo, 21,50 euros, 278 pages.

Les Contemplées / Pauline Hillier

Le récit du séjour de l’autrice dans la prison pour femmes de Tunis.

Inspiré par ce que l’autrice a traversé, « Les Contemplées » est un récit autobiographique de Pauline Hillier dans lequel elle raconte sa détention à La Manouba, la prison pour femmes de Tunis. L’autrice y est envoyée suite à son arrestation lors d’une manifestation. Elle relate les conditions de détention et dresse des portraits marquants de ses codétenues qui pour beaucoup sont victimes à l’origine d’une violence patriarcale. Des portraits de femmes qui questionnent le sens d’une justice bafouée. De nombreux passages du récit retranscrivent la solidarité qui se crée entre ses femmes derrière les barreaux. « Les Contemplées » est un texte poignant qui donne à voir des femmes qui luttent, victimes d’erreurs judiciaires. Un livre marquant sur l’injustice qui oscille entre fiction et autobiographie.

Les Contemplées, ed. La Manufacture de livres, 18,90 euros, 179 pages.

Dans les yeux du ciel / Rachid Benzine

Une femme traverse avec sa fille le printemps arabe et tout ce que la période va charrier.

Derrière le printemps arabe de 2011 et les contestations populaires qui ont grandi dans plusieurs pays du monde arabe, Rachid Benzine se penche dans ce contexte sur la vie d’une femme prostituée et sur celle de sa fille collégienne. Nour élève seule sa fille Selma, en Tunisie sous le régime de Ben Ali. Elle ploie au quotidien devant les nombreuses injonctions qu’elle rencontre lorsque l’on est une femme. Se cacher à cause de son métier, se faire discrète dans l’espace public, car les hommes lui rappellent régulièrement que sa condition ne vaut rien. Elle décrit dans ce court récit sa vie pendant les révolutions, les risques qu’elle prend et ce qu’elle perçoit de la société en mutation. Les changements de régime politique vont-ils se faire pour le meilleur ? Les révolutions vont-elles s’essouffler ? Comme toujours des hommes bien placés sauront en profiter et l’auteur derrière une écriture sensible et poignante, dresse un portrait contrasté de ces soulèvements. Ce livre est aussi le portrait d’un poète homosexuel, Slimane, proche de Nour et qui se meut en leader pendant les contestations. Slimane monte un blog, disserte de longues heures avec Nour sur la situation, échange des vers qu’il écrit avec son amie sur ce qui fait vaciller les fondations d’une société tunisienne ancrée dans un régime autoritaire. Tout bouge autour d’eux que ce soit les croyances ou les idéaux. Rachid Benzine construit des personnages plein d’humanité qui luttent avec leurs armes, à leurs échelles. Il insuffle un singulier souffle de vie chez chacun d’entre eux.

L’auteur porte sa focale sur les minorités opprimées et écrit avec « dans les yeux du ciel » un roman sur les espoirs du printemps arabe, mais aussi sur ses désillusions. Comme lorsque la chute du régime se solde par la montée d’un autre, qui revêt de nouvelles formes de violences. Il y a tout ça dans ce petit roman. Un condensé d’émotion.

 » […] Tu ne vois plus ce qui se passe. Nous avons chassé un tyran. Ceux-là iront encore plus loin. »

Dans les yeux du ciel, ed. Points, 6,30 euros, 160 pages.

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