Le Grand Saut / Thibault Bérard

Un homme sur le point de mourir se remémore sa vie passée.

Comme souvent chez Thibault Bédard l’histoire part d’une idée originale et c’est encore le cas dans ce troisième roman. On découvre la vie de Léonard alors qu’il s’apprête à mourir seul dans sa cuisine après avoir tenté de réparer son évier. Alors que la vie le quitte, il voit défiler les moments marquants de son existence et surtout la saveur d’une époque où il n’était pas cet homme solitaire isolé dans son chalet. Il se rend compte qu’il est passé à côté avec ses proches à plusieurs reprises. Que ce soit sa femme Lise ou ses enfants. On découvre tous ces autres personnages qui gravitent encore ou non autour de lui. Léonard est un personnage ambivalent, mais avec lequel on a certains moments de l’empathie. L’auteur aborde la question de la perte, de la mort, du temps qui passe et surtout des liens familiaux avec talent. La famille est un thème central dans les romans de Thibault Bérard et dans « Le grand saut » on retrouve une nouvelle fois ce thème. J’avais beaucoup aimé les deux précédents et « Le grand saut » fonctionne aussi très bien. C’est court et prenant. On le lit quasi d’une traite. Il offre un concentré d’émotion et de scènes qui touchent sans tomber dans le cliché. C’est d’ailleurs un exercice difficile de faire sourire avec les sujets pas toujours fun qui sont abordés. Et en même temps on est pris dans ces vies, les vies d’une famille qui tente de traverser les épreuves.

Le Grand Saut, Ed. de l’Observatoire, 20 euros, 208 pages.

Pirate n°7 / Élise Arfi

Le récit d’une avocate qui assiste un jeune Somalien jugé en France.

Élise Arfi dresse le portrait d’un système carcéral qui broie et d’une justice française qui dysfonctionne dans Pirate n°7. L’autrice est avocate commise d’office au début de son récit et est désignée pour assister un jeune prisonnier somalien, Fahran, dans une procédure pénale. En 2011, ce jeune a été engagé pour une attaque de piraterie au large de la Somalie, une attaque en direction du bateau de plaisance d’un couple français. L’attaque dégénère. Il est alors arrêté et rapatrié en France. Il va s’ensuivre pour lui un long parcours judiciaire en France où il va rapidement être dépassé. Un parcours dans lequel Élise Arfi ne peut que constater la chute de Fahran, d’une cellule de prison à l’hôpital psychiatrique, il subit et l’administration française ne lui facilite rien (doux euphémisme). C’est un court récit qui touche et qui sonne, écrit dans une forme d’urgence pour dénoncer la situation que l’avocate rencontre. C’est un récit dans lequel on discerne les sentiments de l’autrice, aussi bien la révolte de voir Fahran se faire traiter de la sorte que la résignation. Élise Arfi oscille entre les deux et se livre avec beaucoup de sincérité. Ça fait un petit moment que je n’ai pas été touché comme ça par un livre, une claque.

J’ai achevé ma plaidoirie la gorge sèche, nouée. J’étais finalement parvenue au bout de moi-même, de mes nerfs, de ma révolte, de ce parcours qui mène un individu de son interpellation à son jugement. M’entendant raconter pour la première fois l’histoire de Fahran devant la cour d’assises, j’ai moi-même été sidérée par l’horreur de mon récit […]

Pirate n°7, ed. Anne Carrière, 18 euros, 250 pages.

Sans alcool / Claire Touzard

Un récit plein de justesse sur la lutte pour arrêter sa consommation d’alcool.

Un témoignage rare sur l’alcool et l’abstinence. Claire Touzard se livre sans tomber dans le pathos ni dans un discours moraliste. Elle aborde la question de la consommation d’alcool et de ses excès à travers de nombreux angles (les relations sociales, la famille, le question du genre). Avec du recul sur ses pratiques, sur les normes qui régissent nos vies et sur les injonctions qu’elle a repérées, l’autrice écrit un témoignage qui fait réfléchir. Plein de sincérité et en même temps sans détour, j’ai pris une petite claque à la lecture de ce récit.

Sans alcool, Ed. Flammarion, 19,90 euros, 336 pages.

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