La Fabrique du monstre / Philippe Pujol

10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, l’une des zones les plus inégalitaires de France

Philippe Pujol livre un travail journalistique approfondi pour mettre à jour les magouilles et autres arrangements qui se développent dans la cité phocéenne depuis plusieurs années. C’est précis et dense, le journaliste abat un travail d’orfèvre tout en évitant d’adopter une position surplombante. Ce travail est le fruit de plusieurs années d’investigation et aborde diverses problématiques, de l’urbanisme à la politique en passant par le clientélisme et les trafics. Tout y passe. L’argent dicte les conduites et elles sont souvent à la frontière avec la légalité. Marseille est une ville bien plus complexe que ce que les médias donne à voir. Elle est aussi le reflet de ce que l’on rencontre sur tout le territoire français mais que l’on voit moins ailleurs.

La Fabrique du monstre, ed. Points, 7 euros, 272 pages.

Pirate n°7 / Élise Arfi

Le récit d’une avocate qui assiste un jeune Somalien jugé en France.

Élise Arfi dresse le portrait d’un système carcéral qui broie et d’une justice française qui dysfonctionne dans Pirate n°7. L’autrice est avocate commise d’office au début de son récit et est désignée pour assister un jeune prisonnier somalien, Fahran, dans une procédure pénale. En 2011, ce jeune a été engagé pour une attaque de piraterie au large de la Somalie, une attaque en direction du bateau de plaisance d’un couple français. L’attaque dégénère. Il est alors arrêté et rapatrié en France. Il va s’ensuivre pour lui un long parcours judiciaire en France où il va rapidement être dépassé. Un parcours dans lequel Élise Arfi ne peut que constater la chute de Fahran, d’une cellule de prison à l’hôpital psychiatrique, il subit et l’administration française ne lui facilite rien (doux euphémisme). C’est un court récit qui touche et qui sonne, écrit dans une forme d’urgence pour dénoncer la situation que l’avocate rencontre. C’est un récit dans lequel on discerne les sentiments de l’autrice, aussi bien la révolte de voir Fahran se faire traiter de la sorte que la résignation. Élise Arfi oscille entre les deux et se livre avec beaucoup de sincérité. Ça fait un petit moment que je n’ai pas été touché comme ça par un livre, une claque.

J’ai achevé ma plaidoirie la gorge sèche, nouée. J’étais finalement parvenue au bout de moi-même, de mes nerfs, de ma révolte, de ce parcours qui mène un individu de son interpellation à son jugement. M’entendant raconter pour la première fois l’histoire de Fahran devant la cour d’assises, j’ai moi-même été sidérée par l’horreur de mon récit […]

Pirate n°7, ed. Anne Carrière, 18 euros, 250 pages.

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