En souvenir d’André / Martin Winckler

Un récit juste et tout en retenue sur un sujet rare.

Martin Winckler a toujours une façon bien à lui de raconter les histoires. Il les raconte de telle façon que l’on est embarqué par les personnages réalistes et par le sujet. Ici il est question de la fin de vie et c’est l’occasion d’aborder un thème que l’on voit rarement sur les étals des libraires. Avec beaucoup de justesse on y rencontre des questionnements sur le soin palliatif et sur l’accompagnement des proches en fin de vie notamment lorsque l’on n’est pas un professionnel du soin. C’est un roman plein de pudeur et qui sonne juste comme souvent chez l’auteur. La notion de gestion de la douleur est centrale et c’est un autre point que je trouve très intéressant dans ce livre. Le personnage central fait partie d’une équipe mobile d’un hôpital qui propose des aides aux patients en se déplaçant dans différents services pour soulager des douleurs chroniques. Martin Winckler s’est d’ailleurs penché plus récemment sur cette question dans l’essai « Tu comprendras ta douleur » que je n’ai pas encore lu et où l’on retrouve cette thématique encore peu discutée dans le domaine des soins.

En souvenir d’André, ed. Folio, 6,90 euros, 176 pages.

À la folie / Joy Sorman

Une observation fine d’un service de psychiatrie.

« À l’hôpital psychiatrique, une grande part du temps infirmier est pourtant un temps informel – on s’assoit et on parle –, la bienveillance ne se chiffre pas, le plus efficace peut être imperceptible, non quantifiable. Tous le disent, on manque de soignants et les soignants manquent de temps, car ils le perdent à des tâches administratives toujours plus nombreuses, des tâches comptables qui rassurent sans doute les gestionnaires déconcertés par les pratiques incertaines de la psychiatrie, rétives à toute culture du résultat. »

Une citation parmi tant d’autres relevées, qui résume à merveille la démarche de ce livre singulier de Joy Sorman, dans lequel elle observe pendant une période un service de psychiatrie.

L’autrice ne tombe pas dans le piège du misérabilisme ni du sensationnalisme au gré des rencontres et des observations et elle restitue très bien l’atmosphère d’un service en psy. Elle prend le temps de décrire des patient.e.s et des soignant.e.s, le tout avec beaucoup de justesse et de pudeur. Le lecteur découvre de sacrés parcours de vie et des réflexions qui font vaciller la frontière entre le normal et le pathologique. Des réflexions qui font réfléchir sur la stigmatisation que subissent ces malades et plus largement l’institution psychiatrique. Quelques éléments théoriques et historiques complètent très bien les récits et les descriptions.

Un livre poignant sur la psychiatrie, sur son état actuel (dégradé et délaissé par les pouvoirs publics) et plus largement sur tous les questionnements que cette branche de la médecine soulève.

À la folie, ed. Flammarion, 19 euros, 288 pages.

Il est juste que les forts soient frappés / Thibault Bérard

L’histoire poignante d’une femme atteinte d’un cancer et qui traverse ces épreuves avec sa famille et ses proches.

C’est toujours quelque chose de sortir d’une lecture remué et soufflé. C’est plutôt rare et c’est ce que j’ai ressenti à la fin de ce roman de Thibault Bérard. Une bonne claque en bonne et due forme.

On suit Sarah, une jeune femme de 37 ans qui va devoir faire face à la maladie, à un cancer. C’est d’ailleurs elle qui raconte à la première personne ce qu’elle va vivre. Le lecteur est embarqué dès le début dans ce roman avec ce ton unique d’un personnage que l’on n’est pas prêt d’oublier. Un mélange de gouaille et de gravité finement dosé. On suit aussi tout un petit monde qui gravite autour d’elle et qui va tenter de l’aider à traverser ces épreuves.

On ne tombe pas dans le pathos et l’auteur parvient régulièrement à retranscrire avec beaucoup de justesse ce que va vivre cette femme et sa famille. Très fort.

Il est juste que les forts soient frappés, Ed. de l’Observatoire, 20 euros, 304 pages.

Dans la forêt / Jean Hegland

L’histoire se dévoile lentement dans ce livre pour notre plus grand plaisir. C’est très bien amené et les évènements vont crescendo jusqu’au final qui laisse songeur longtemps après.

On distingue le contexte du récit autour des deux sœurs, Nell et Eva, et de leurs parents. Mais la forêt à côté de laquelle les sœurs vivent et la maison dans laquelle elles habitent ont aussi toute leur importance. Une maison en bout de route et loin des autres habitants de la première ville voisine.

Une vie loin de tout, voilà où l’autrice souhaite nous emmener. Le reste est à découvrir et mérite amplement le détour. On remarque d’ailleurs que l’autrice fait passer à travers peu de personnages de nombreuses émotions et questionnements sur l’existence et la société actuelle. Les péripéties, les relations humaines, les lieux rencontrés, tout cela est très justement restitués. Je vous conseille ce livre qui m’a beaucoup plu, vous ne relirez pas de si tôt des récits pareils.

Dans la forêt, ed. Gallmeister, coll. Totem, 9,90 euros, 380 pages.

Une petite citation pour entre apercevoir la justesse de la plume de Jean Hegland :

« Mais que je le touche ou que je m’enfuie, que je rêve ou que je sois éveillée, le jour de son anniversaire ou n’importe quel autre jour, ma vie entière est contaminé par le fait qu’il est mort. »

Le Chœur des femmes / Martin Winckler

« Le Chœur des femmes » de Martin Winckler, médecin et écrivain. Le roman est édité chez les éditions POL initialement et est sorti par la suite en poche chez Folio.

Jean Atwood est un jeune interne amené à réaliser son dernier semestre d’internat dans un service de consultation gynécologique. Pas n’importe lequel puisque c’est le service du docteur Franz Karma, un docteur dont Jean Atwood a entendu parler et qui représente tout ce que l’interne déteste. Sauf qu’entre les rumeurs sur ce médecin et la réalité, évidemment il y a des nuances. Jean souhaite donc passer par ce service pour obtenir le meilleur poste possible par la suite en chirurgie en faisant jouer les recommandations des chefs de clinique et autres médecins. Mais c’est sans compter sur la singularité de l’équipe soignante que l’interne va rencontrer.
Je me suis laissé porter par ce roman et ce fut pour moi une très belle surprise. On retrouve des thèmes forts dans ce livre, peu traités dans la fiction en général. Des thèmes par ailleurs récurrents chez Martin Winckler lorsque l’on écoute l’auteur donner des interviews. On en apprend beaucoup dans ce roman, que ce soit sur les violences gynécologiques, la contraception, les violences médicales au sens large ou encore la relation entre un soignant et un soigné et j’en oublie certainement. C’est le premier livre de Martin Winckler que je lis et ça m’a vraiment donné envie de me plonger dans sa bibliographie. N’hésitez pas si vous croiser ce bouquin, on se documente et on suit avec plaisir la pensée de Jean Atwood et ses rencontres. Les chapitres défilent.

Le Chœur des femmes, ed. Folio, 10.20 euros, 688 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer