Le soir du chien / Marie-Hélène Lafon

L’histoire d’une rencontre dans un petit village du Cantal, avec tout ce que cela va engendrer.

Je découvre Marie-Hélène Lafon avec ce court roman et c’est une très belle découverte. L’autrice avec une plume sensible, dépeint le quotidien de Marlène une jeune femme qui vit dans le Cantal. Cette histoire c’est aussi celle de Laurent, menuisier, qui vit avec elle dans leur petite maison. Les choses vont petit à petit se mettent en place autour du duo qui profite de cette maison reculée. On découvre leurs proches, leurs façons d’appréhender le monde. Jusqu’à un soir et jusqu’à un accident, celui qui va venir chambouler leur belle routine. Ce roman est raconté à travers les sentiments de chaque personnage, à travers plusieurs voix. Marie-Hélène Lafon choisit chacun de ses mots et les phrases simples sonnent juste tout comme le rythme qui émerge du récit. « Le soir du chien » est un livre qui prend le temps de décrire les paysages du Cantal, qui prend le temps de poser une atmosphère.

Le soir du chien, ed. Points, 6,20 euros, 160 pages.

Comme nous existons / Kaoutar Harchi

Le parcours de l’autrice, de son enfance jusqu’à ses études en passant par son rapport à l’écriture.

Kaoutar Harchi écrit un récit autobiographique sur son enfance, sur le regard que l’on porte sur un enfant d’immigrés et sur ses proches. L’écriture lui permet cela lorsqu’elle aborde sa démarche, écrire et ancrer le réel, mettre des mots sur la domination. Née dans l’Est de la France en 1987, l’autrice raconte comment elle grandit à travers un regard stigmatisant et raciste, notamment au sein de l’institution scolaire. Elle relate de nombreux moments qui la marquent et prend du recul par rapport à des comportements dit normaux mais qui écrasent la confiance des enfants, victimes d’une stigmatisation. L’autrice détaille les sensations et les images qui lui reviennent, de l’école au regard des autres, de sa famille aux premières amitiés et lectures (l’exemple de la lecture de la Double Absence d’Abdelmalek Sayad, fondatrice pour elle), ou encore les raisons de son orientation dans un cursus en sciences sociales. C’est un récit où les mots sont choisis avec beaucoup de précision. Je vous conseille ce témoignage du réel, teinté de sociologie.

extrait : « Cette propension originelle à vouloir que l’écriture soit le lieu exclusif du réalisé – j’entends par là le lieu de ce qui est avéré, de ce qui est arrivé, et non pas celui de l’imaginé, de l’inventé, du fictif – est l’indice de cette conviction profonde que j’avais et qui, à cette époque-là, structurait en grande partie mon rapport à l’acte d’écrire : la certitude que rien n’était plus important à fixer sur le papier que ce qui, d’ordinaire, était refusé, tu, ignoré, dominé. »

Comme nous existons, ed. Actes Sud, 17 euros, 144 pages.

En souvenir d’André / Martin Winckler

Un récit juste et tout en retenue sur un sujet rare.

Martin Winckler a toujours une façon bien à lui de raconter les histoires. Il les raconte de telle façon que l’on est embarqué par les personnages réalistes et par le sujet. Ici il est question de la fin de vie et c’est l’occasion d’aborder un thème que l’on voit rarement sur les étals des libraires. Avec beaucoup de justesse on y rencontre des questionnements sur le soin palliatif et sur l’accompagnement des proches en fin de vie notamment lorsque l’on n’est pas un professionnel du soin. C’est un roman plein de pudeur et qui sonne juste comme souvent chez l’auteur. La notion de gestion de la douleur est centrale et c’est un autre point que je trouve très intéressant dans ce livre. Le personnage central fait partie d’une équipe mobile d’un hôpital qui propose des aides aux patients en se déplaçant dans différents services pour soulager des douleurs chroniques. Martin Winckler s’est d’ailleurs penché plus récemment sur cette question dans l’essai « Tu comprendras ta douleur » que je n’ai pas encore lu et où l’on retrouve cette thématique encore peu discutée dans le domaine des soins.

En souvenir d’André, ed. Folio, 6,90 euros, 176 pages.

Ricochets / Camille Emmanuelle

Un témoignage important sur les proches des victimes d’attentat.

Camille Emmanuelle pose le curseur sur les proches des victimes des attentats et questionne leurs statuts de victime dans ce livre, un essai à mi chemin entre un travail personnel et un travail plus documentaire. Un travail personnel car l’autrice est la conjointe d’un des membres de Charlie Hebdo lors de l’attentat et un travail documentaire car elle découvre au fil de ses recherches que les proches, « les victimes par ricochets », ne sont pas du tout reconnues dans leur statut de victime avec tout ce que cela représente. Que ce soit la souffrance psychologique ou encore le poids que peut représenter le soutien à un proche. C’est un livre écrit sans détour et avec beaucoup de sincérité. L’autrice lève des questionnements essentiels au fil des rencontres qu’elle fait durant ses recherches et en même temps donne une photographie précise de la gestion étatique des attentats. C’est tout en nuance et très personnel. Un récit qui touche.

Je n’ai pas fait d’enquête internationale basée sur une centaine d’entretiens, comme je l’imaginais au départ. Mon écriture a été plus intime que ce que j’envisageais. Je suis sortie de mon rôle de journaliste pour me mettre à nu. J’ai décortiqué mes émotions pour mieux les maîtriser. Et pour peut-être aider ceux qui ont été, sont, ou vont être des ricochets dans leur vie.

Ricochets, ed. Grasset, 20,90 euros, 336 pages.

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