Le Bloc / Jérôme Leroy

Chroniques d’un parti d’extrême droite aux portes du pouvoir.

« Le bloc » aborde l’ascension d’un parti d’extrême droite du même nom. Jérôme Leroy s’attarde sur deux personnages ambivalents et complexes. Stanko, homme de main redoutable du parti au passé trouble et qui se retrouve traqué au début du roman. Responsable du service d’ordre pendant une période, le parti approchant du pouvoir suite à des tensions à travers le pays, l’homme de main qui s’occupe habituellement des basses oeuvres fait tache. Et de l’autre, Antoine le mari d’Agnès, la présidente du Bloc. Un intellectuel ambivalent qui prend un malin plaisir à prendre de haut la majorité des troupes du parti. Proche de Stanko il a aussi une grande affection pour la violence. « Le bloc » est un roman noir qui peut rendre mal à l’aise, qui décrit avec une précision rare les méthodes des adhérents d’un parti d’extrême droite. Violence, racisme, propos dégradants, combines, tout se recroise dans la montée irrémédiable du parti qui s’apprête à signer un accord avec le gouvernement en place. Un parti aux portes du pouvoir et qui se sert des tensions dans les villes entre forces de l’ordre et population pour avancer dans les sondages. L’État est dépassé par les évènements. Les médias s’en emparent lorsqu’un décompte macabre des morts est mis en place pendant les informations. Le roman noir de Jérôme Leroy est aussi un polar qui résonne avec l’actualité. Comme dans « L’Ange gardien », chacun sert ses intérêts et certains sont prêts à tout pour cela. On retrouve l’écriture singulière de l’auteur que ce soit dans les scènes d’action où l’on pense à Manchette ou dans la narration. Une lecture marquante qui laisse à penser.

Jérôme Leroy dans un portrait de Libé, en parlant du roman noir : «c’est là où se fait la littérature aujourd’hui», considère-t-il, «un formidable terrain d’expérimentation». Il a commencé à en écrire «parce qu’il fallait que je parle de ce que j’observais sur le terrain, la violence dans les rapports humains et politiques, les émeutes urbaines que je voyais arriver. Le polar, c’est le roman de l’inquiétude».

Le Bloc, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 17,75 euros, 304 pages.

Reste / Adeline Dieudonné

Un couple traverse un drame et réagit en conséquence.

Dès le début on entre dans la tête d’une femme qui réalise ce qu’elle traverse. Elle relate à la première personne son histoire, ce qu’elle a vécu. Elle passe un moment avec son conjoint dans un coin reculé à la campagne et sans trop en dire, le personnage va traverser un drame qui va chambouler ce quotidien. Adeline Dieudonné écrit un roman tendu et très bien écrit, qui sort complètement le lecteur de sa zone de confort. Comme souvent ses personnages sont ambiguës et c’est prenant du début à la fin. On suit les pensées de la narratrice en allant de découverte en découverte. Un nouveau roman et une nouvelle réussite pour une romancière qui renouvelle avec beaucoup de talent le paysage littéraire.

Reste, ed. L’iconoclaste, 20 euros, 350 pages.

De femme en femme / Hélène Couturier

Un singulier roman noir sur la violence faite aux femmes et ses origines.

Ilyas à 40 ans, il fait du Krav-Maga et adore danser. Dans ce polar il se raconte à la première personne, que ce soit dans son rapport aux femmes qu’il rencontre ou dans son rapport à sa mère. Il entretient un singulier respect pour les femmes qui l’entoure, avec une idée bien à lui de ce respect. Un soir, il fait la rencontre d’une flic et les évènements vont se précipiter à partir de là. Le lecteur découvre progressivement la personnalité de cet homme et la tension augmente crescendo. On est dans la tête d’un personnage torturé, qui insinue petit à petit une forme de malaise chez le lecteur. On découvre aussi des portraits de femmes sous la plume d’Hélène Couturier et à travers les yeux d’Ilyas. « De femme en femme » laisse sonner le lecteur une fois la dernière page tournée. Un sacré roman noir dans lequel on a le sentiment qu’une violence sourde n’est jamais bien loin.

De femme en femme, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 20 euros, 280 pages.

Appartement 816 / Olivier Bordaçarre

Un roman étouffant, sombre, où l’isolement et ses effets sont omniprésents.

Un homme de 41 ans vit avec sa femme et son fils au neuvième étage d’un appartement. Jusqu’à là rien de bien surprenant. Sauf que la société dans laquelle ils vivent traverse plusieurs vagues de virus et que le confinement chez soi est de mise depuis maintenant trois années. La France confine ses citoyens sur de plus ou moins longues périodes. Des règles précises sont édictées et elles réduisent les libertés de manière significatives en régissant le quotidien. Autant vous le dire tout de suite, cela va plus loin que ce que l’on est train de traverser en termes de restrictions. Du drone qui passe devant les fenêtres pour voir si les horaires d’aération sont respectés à la tenue intégrale nécessaire pour récupérer les livraisons de denrées de première nécessité devant chez soi en passant par les peines lourdes en cas de non-respect des règles, la sensation d’enfermement n’est pas loin pour le lecteur. Alors cet homme écrit. Didier Martin écrit sur son quotidien morose comme un exutoire, comme un baume. Ce qu’il pense du confinement qu’il traverse, ce qu’il pense des gens qui ne respectent pas les mesures et qui s’y opposent. Il parle aussi de sa famille, d’une vie qu’il prend le temps d’analyser, car il a ce temps, un temps nouveau.

C’est à partir de là que le lecteur découvre une personnalité singulière, voire plutôt inquiétante. Le narrateur n’écrit pas ce quotidien dans des carnets, mais utilise les surfaces qui l’entourent dans l’appartement. Voilà une première découverte étrange et il va y en avoir d’autres. Olivier Bordaçarre décrit ce vase clos qu’est l’appartement 816 et l’auteur injecte le malaise petit à petit dans ce récit pas comme les autres. Il pose sa focale sur la folie des hommes et son narrateur devient antipathique au fil des pages, flippant. D’un pragmatisme à toutes épreuves, on se demande où ses réflexions vont le mener. La suite n’est pas réjouissante et va nous faire réfléchir sur les conséquences inattendues d’un enfermement généralisé, notamment les conséquences psychologiques.

Appartement 816 est un roman très noir, qui montre à sa façon les aberrations d’une société qui lutte et où parfois le non-sens est roi.

Appartement 816, ed. L’Atalante, coll. Fusion, 14,90 euros, 160 pages.

Le Mal-épris / Bénédicte Soymier

Un roman sur l’emprise et la violence des hommes envers les femmes.

Paul vit seul dans son appartement et travaille au guichet d’une poste. Il tente de surnager dans un quotidien qu’il trouve bien morose jusqu’au jour où une nouvelle voisine emménage en face de chez lui. Cela va chambouler ses habitudes et le lecteur entre dans la tête d’un personnage qui tend vers le malsain et développe une attirance pour cette femme. On se retrouve dans les pensées de Paul et on voit arriver inéluctablement des évènements que l’on redoute. L’auteure questionne les raisons qui font que Paul change, devient obsessionnel devant les rencontres qu’il fait.

Bénédicte Soymier avec une écriture scandée et sans fioriture, nous fait entrer dans la tête de ce personnage introverti, à l’enfance difficile. L’économie de mots va droit au but. Les sonorités participent à l’immersion dans l’histoire. Derrière les traits de caractère de Paul on distingue des comportements sexistes, misogynes ou égoïstes. Plus globalement, des comportements et des mécanismes que l’on peut retrouver chez de nombreux hommes. Et c’est une des forces de ce roman, mettre la lectrice ou le lecteur sur une ligne de crête entre ce qu’il va advenir et le passé de Paul qui pourrait expliquer des choses. L’auteure insinue très bien ce sentiment de malaise, qui diffuse au fil du récit. On distingue les mécanismes d’emprise, les états qui mènent à la sidération d’un coté chez une femme. Et d’un autre côté on distingue un passé, un environnement familial qui amène contre le gré du lecteur à développer de l’empathie pour le personnage principal et ses réactions. Ce roman remue et questionne, tout en faisant apparaître au grand jour des façons de faire plus courantes qu’on le pense chez les hommes.

Le Mal-épris, ed. Calmann-Levy, 18,50 euros, 336 pages.

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