Comme un léger tremblement / Gilles Pialoux

Un très beau roman qui aborde un sujet rarement traité en fiction, la SLA.

Philippe travaille dans un grand journal et a une vie de famille épanouie. D’un naturel curieux, il profite de ses temps libres en croquant par ci par là des scènes de la vie quotidienne sur son carnet. Il aime profiter des choses et s’entoure de nombreux copains. Un jour ou plutôt une nuit, sa conjointe lui fait remarquer qu’il a des tremblements lorsqu’il dort. Il se réveille le matin sans douleur et ne se rend compte de rien. C’est le début d’une découverte difficile à entendre, Philippe est atteint de la maladie de Charcot. Une maladie dégénérative où les muscles sont inutilisables les uns après les autres. La personne touchée peut de moins en moins se mobiliser et ne peut que constater l’irréversibilité de la maladie jour après jour. Philippe décide alors de vivre sa vie et de s’adapter en fonction des difficultés toujours plus nombreuses qu’il va rencontrer.

Ce roman inspiré d’une histoire vraie aborde avec justesse cette maladie, les effets qu’elle peut avoir sur l’entourage du patient ou la capacité de résilience dont certains patient.e.s font preuve. Le personnage principal en est un bel exemple, il fait passer au lecteur un souffle de vie malgré le sujet grave et les choses qui se compliquent au fil des mois pour lui. Il est d’une lucidité désarmante. C’est tout un rapport au corps qui est revu à la suite de l’apparition des premiers symptômes. Ce sont aussi des rapports qui se renouvellent avec l’entourage du patient, pas toujours pour le meilleur. Il y a de très beaux moments dans ce roman, dans ce récit plein de pudeur. Les courts chapitres servent bien le propos et alterne entre des passages où l’on côtoie une forme de poésie et des constats plus grave sur la maladie de Philippe. Gilles Pialoux livre un roman touchant et qui interpelle sur la sclérose latérale amyotrophique, sur la fin de vie. Merci à Babelio pour la découverte de ce livre reçu dans le cadre d’une Masse critique.

Comme un léger tremblement, ed. Mialet Barrault, 18 euros, 174 pages.

En souvenir d’André / Martin Winckler

Un récit juste et tout en retenue sur un sujet rare.

Martin Winckler a toujours une façon bien à lui de raconter les histoires. Il les raconte de telle façon que l’on est embarqué par les personnages réalistes et par le sujet. Ici il est question de la fin de vie et c’est l’occasion d’aborder un thème que l’on voit rarement sur les étals des libraires. Avec beaucoup de justesse on y rencontre des questionnements sur le soin palliatif et sur l’accompagnement des proches en fin de vie notamment lorsque l’on n’est pas un professionnel du soin. C’est un roman plein de pudeur et qui sonne juste comme souvent chez l’auteur. La notion de gestion de la douleur est centrale et c’est un autre point que je trouve très intéressant dans ce livre. Le personnage central fait partie d’une équipe mobile d’un hôpital qui propose des aides aux patients en se déplaçant dans différents services pour soulager des douleurs chroniques. Martin Winckler s’est d’ailleurs penché plus récemment sur cette question dans l’essai « Tu comprendras ta douleur » que je n’ai pas encore lu et où l’on retrouve cette thématique encore peu discutée dans le domaine des soins.

En souvenir d’André, ed. Folio, 6,90 euros, 176 pages.

Les gratitudes / Delphine de Vigan

Les mots et les maux.

Je ne serais pas allé naturellement vers ce genre de livre à l’époque où je dévorais des polars à la suite et ça aurait été dommage. Cette lecture est un très bon moment. Ce roman à l’écriture concise et aux chapitres courts, aborde des thèmes que j’ai trouvés très touchants.

Une femme âgée en maison de retraite se retrouve en difficulté avec sa voix et avec la parole (elle inverse des mots, buttent sur certains, perd la mémoire). Elle va alors rencontrer deux personnes qui vont l’aider à surmonter ses difficultés. C’est un livre qui aborde la fin de vie, le quotidien des personnes âgées en maison de retraite mais aussi la vie des soignantes, des soignants et des proches. L’ensemble de ces thèmes est important pour moi pour diverses raisons et ce n’est bien sûr pas étranger au fait que j’ai beaucoup apprécié cette lecture. Les dialogues très bien sentis touchent et restituent l’atmosphère de cette maison de retraite. Les chapitres sont écrits en étant dans la tête d’un des personnages, une idée maîtrisée par l’autrice et qui sert à merveille le propos. On peut aussi discerner plusieurs lectures, avec une réflexion sur la fin de vie (et ce que représenterait un soin palliatif par exemple) mais aussi une réflexion sur la maladie ou encore sur le pouvoir des mots, de la langue, des échanges entre générations.

Et oui, tout ça à la fois. Parfois les lectures courtes et qui apparaissent peu denses au premier abord le sont en réalité bien plus qu’on ne le pense.

Les gratitudes, ed. JC Lattès, 17 euros, 192 pages.

Une joie féroce / Sorj Chalandon

Une croisement entre maladie et braquage réussi.

J’étais impatient de retrouver Sorj Chalandon pour cette rentrée littéraire, avec Une joie féroce édité chez Grasset. Un livre très bien écrit comme souvent chez l’auteur et aussi plus intime que ses ouvrages précédents.

On sent que Sorj Chalandon est touché par les sujets qu’il aborde, que ce soit le fait d’écrire une intrigue où les femmes sont les protagonistes principales ou le fait d’aborder la maladie. Quatre femmes sont donc amenées à se rencontrer dans ce récit, elles ont toutes les quatre un cancer et elles ont toutes les quatre des vies cabossées bien comme il faut. Je vous laisse découvrir les détails de ces vies. Ce livre est leur histoire à chacune, mais aussi leurs réactions face à la maladie, face aux hommes, face aux affres de leurs vies passées. Certains passages font la part belle à l’humour et tout n’est pas sombre dans le propos de l’auteur malgré les thématiques abordées. Il est ressorti pour moi une vraie forme d’espoir à la lecture, c’est d’ailleurs ce qui fait souvent le sel des romans de l’auteur je trouve, cette forme d’espoir qui jaillie au milieu d’événements traumatiques ou difficiles. Les péripéties, les vies cabossées, tout cela n’y changent rien et cet espoir apparaît tout de même chez les personnages du journaliste.

Un autre point intéressant concerne la force du collectif. C’est assez récurrent chez l’auteur et ce livre n’y fait pas exception, avec quatre femmes qui luttent ensemble et qui sont capables de choses remarquables ensemble. Là aussi, ce serait dommage de vous en dire plus, car c’est aussi un roman avec une intrigue très originale. Je vous conseille ce livre, il fait beaucoup de bien.

Une joie féroce, ed. Grasset, 20,90 euros, 320 pages.

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