A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? / Gaëlle Josse

Des instantanés de vie sous la plume sensible de Gaëlle Josse.

Gaëlle Josse décrit des instants de vie dans son dernier livre « à quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? », des moments de bascule à travers des microfictions. Les courts chapitres déploient en quelques lignes les portraits d’enfants, de femmes, d’hommes qui traversent un évènement marquant, qui se rendent compte de leur condition, qui laissent les souvenirs affluer. Il suffit de quelques mots pour que les personnages prennent forme et que l’on suive les destins des uns et des autres, de ces vies parfois cabossées. Une plume sensible qui sonne toujours juste.

A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?, ed. Notabilia, 17 euros, 224 pages.

Le Homard / Pascale Dietrich

Un court roman noir incisif, sur un couple qui déchante.

Camille vit dans une petite bourgade au bord de la mer et elle aime participer à des tombolas locales pour se débarrasser de divers objets encombrants. Un quotidien plutôt tranquille. Elle vit avec Pierre, un agent immobilier qui semble un peu perché depuis un grave accident de moto. Les choses changent lorsque des touristes vont être retrouvés morts sur la côte. Les morts vont se multiplier et les gens du coin vont sérieusement commencer à se tendre. Camille qui sent l’angoisse monter dans son couple et une étrange tension se rend compte que ces morts n’aident en rien à l’apaisement de la situation. Pascale Dietrich livre un court roman noir bien construit et malin, qui questionne le couple notamment dans les relations dites fusionnelles. Un petit bouquin prenant qui se lit tout seul.

Le Homard, ed. In8, 8,90 euros, 96 pages.

Les Poteaux de torture / Abdel Hafed Benotman

Un recueil de nouvelles tranchant d’Abdel Hafed Benotman.

Retrouver la plume d’Abdel Hafed Benotman est toujours un moment particulier. Dans ses romans noirs inspirés sur de nombreux points de son expérience carcérale, l’auteur a une façon bien à lui de dépeindre la misère quelque soit ses formes. Que ce soit la misère sexuelle, la frontière fine avec le mal être psychique, les réflexions sur l’enfermement ou encore le poids de la solitude. Les écrits de Benotman frappent fort et dérangent. Dans « Les Poteaux de torture », on découvre plusieurs nouvelles avec des personnages plus marginaux les uns que les autres. Il y a parfois une petite note d’espoir mais globalement la lucidité de l’auteur et de ses personnages sur le monde est désarmante. Encore une fois Abdel Hafed Benotman touche et offre une voix à ceux que l’on entend peu ou pas du tout. Un auteur important à l’écriture singulière.

Les Poteaux de torture, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 7,65 euros, 240 pages.

De la jalousie / Jo Nesbo

Jalousie et roman noir pour ce recueil de nouvelles de Jo Nesbo.

Jo Nesbo s‘essaie à la nouvelle dans ce recueil et c’est plutôt réussi. Malgré des nouvelles qui n’ont pas toutes le même impact, l’ensemble se tient bien et le thème de la jalousie en filigrane permet à l’auteur de mettre en place les coups de théâtre dont il est friand. Peut être moins abouti que sa série avec Harry Hole, « De la jalousie » offre tout de même un bon moment de lecture. Efficace.

De la jalousie, ed. Gallimard, coll. Série noire, 19,50 euros, 352 pages.

Les forcenés / Abdel Hafed Benotman

Un recueil de nouvelles écrit dans une langue âpre. Benotman dans ses œuvres.

Abdel Hafed Benotman est un auteur à part avec une plume singulière, incisive. Dans « Les forcenés » il s’attarde sur les marginaux, celles et ceux qui déraillent ou qui font dérailler la société dans laquelle ils vivent. Dans ce recueil de nouvelles très sombre et en même temps écrit avec un style remarquable, on croise des personnages laissés pour compte qui n’ont plus grand-chose à perdre. Ce petit bouquin remue et sonne le lecteur au détour de certains passages. C’est âpre et on sent que le milieu carcéral que l’auteur a connu infuse dans certains de ces textes. J’avais beaucoup aimé « Éboueur sur échafaud » de l’auteur et la lecture de ce recueil est tout aussi prenante. Un auteur à découvrir.

PS : La très belle préface de Jean-Hugues Oppel complète bien le tableau.

Extrait : « Il m’est arrivé de vouloir me réinsérer mais, à force de tourner en rond, pendant des années, dans les cours de promenade des prisons, il est dur de marcher droit du jour au lendemain. Ça en devient presque biologique. D’ailleurs ça l’est puisque la taule s’imprime à l’intérieur, et je mettrais ma main de voleur à couper que mon âme doit porter en filigrane un numéro d’écrou. »

Les forcenés, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 8,15 euros, 208 pages.

Les Dangers de fumer au lit / Mariana Enriquez

Des nouvelles qui oscillent entre le glauque et le fantastique.

L’atmosphère de ces nouvelles côtoie à certains moments le fantastique. L’autrice joue avec les peurs de son lecteur au fil des histoires qu’elle raconte. Les esprits ne sont jamais loin, la mort non plus. Mariana Enriquez livre un recueil où l’on passe d’une ambiance poisseuse à une autre. Avec une écriture sèche et imagée, elle embarque le lecteur à Buenos Aires ou à Barcelone dans des lieux plus ou moins sordides. On y croise une galerie de personnages marginaux. Ces différentes nouvelles exercent comme une fascination sur le lecteur et même si la sauce n’a pas forcément prise systématiquement pour moi, je dois reconnaître que la romancière est talentueuse pour mettre en scène l’horreur ou pour glisser des sous entendus bien macabres dans ses textes. « Les Dangers de fumer au lit » forme un recueil de nouvelles original. Le travail éditorial des éditions du Sous-sol est top aussi et on se retrouve avec un joli bouquin.

Les Dangers de fumer au lit, ed. du Sous-sol, 21 euros, 240 pages.

Presqu’îles / Yan Lespoux

Tribulations dans un médoc sombre et loin des cartes postales.

Ce recueil de nouvelles paru chez Agullo et une très belle surprise. Je suis lecteur du blog dédié au roman noir de Yan Lespoux depuis des années et j’étais curieux de voir ce que ça allait donner. On peut tout de suite dire que c’est réussi. Le lecteur est plongé dans une région de la France. Yan Lespoux écrit sur les marginaux et sur les habitants qui sont là toute l’année. Il porte son regard sur les campagnes reculées et les bords de mer loin des touristes. On sent l’influence d’autres auteurs de nouvelles comme Larry Brown. Hervé Le Corre prend le temps de détailler ces influences dans sa préface. On passe du tragique à la beauté, d’un texte à l’autre et le tout compose un très bon recueil. Pour celles et ceux qui apprécient le polar rural à la mode américaine, n’hésitez pas à vous pencher sur ce petit bouquin pour retrouver des similitudes, mais dans une région française. À noter le travail éditorial soigné des éditions Agullo sur un format que je trouve vraiment intéressant.

Presqu’îles, ed. Agullo, 11,90 euros, 184 pages.

Les hommes sont courageux / Pascal Dessaint

Un recueil de nouvelles dans le pur style Dessaint. Des personnages brossés avec talent.

Pascal Dessaint est redoutable lorsqu’il écrit des romans noirs et lorsqu’il décrit la vie des marginaux, des femmes et des hommes qui subissent le poids du système malgré eux. Un truc qui sonne vrai et qui touche se dégage de ses personnages. Et bien on peut dire qu’il détient le même talent sur le format court lorsqu’il écrit des nouvelles. Dans « Les hommes sont courageux », on retrouve ces bouts d’humanité en rupture d’une manière ou d’une autre. Un petit quelque chose suffit à faire basculer leurs vies. De nombreux sujets sont traités dans ces nouvelles non dénuées d’humour noir. De la santé mentale à la précarité en passant par la vie conjugale, Pascal Dessaint continue l’exploration de nos travers sans dépolitiser son propos. On en apprend au passage toujours un peu sur la nature et plus particulièrement les oiseaux, ce qui ne gâche rien. Un livre de l’auteur que vous n’avez pas encore lu est toujours une bonne nouvelle et si c’est le cas avec ce court recueil de nouvelles, foncez. Une mention spéciale à la nouvelle avec le chauffeur de bus qui sort du lot je trouve.

Les hommes sont courageux, ed. Rivages, coll. Rivages Noir, 5,10 euros, 132 pages.

Katja / Marion Brunet

Une relation pleine de non-dits entre un journaliste en fin de vie et une jeune femme qui vient lui apporter son aide.

Une jeune femme trouve un job pour s’occuper d’un ancien, en Bretagne dans une maison isolée. Dès le début de la nouvelle, on sent que la jeune femme n’est pas là par hasard, mais on a du mal à comprendre d’où provient la colère qu’elle renferme et qu’elle tait. L’ancien grand journaliste dont elle s’occupe ne comprend pas tout et pourtant on sent une tension monter au fil des flashbacks qui permettent au lecteur de comprendre les non-dits, de comprendre les silences qui durent. Marion Brunet écrit une nouvelle noire prenante, mais pas autant que Vanda ou Sans foi ni loi en jeunesse que j’ai préféré. Au passage si vous ne connaissez pas les éditions in8 qui publient du format court bien sombre, n’hésitez pas à vous pencher sur le catalogue, il y a de nombreuses pépites.

Katja, Ed. In8, 8,90 euros, 80 pages.

Chambres noires / Karine Giebel

Des nouvelles noires où la solitude rencontre la violence sous toutes ses formes.

Karine Giebel écrit un recueil de nouvelles qui rassemble des marginaux, des personnages dont on parle peu et qui se retrouvent souvent dans des engrenages qui les dépassent. Comme une double peine. La femme de ménage qui tente de surnager en élevant son enfant seule et en faisant le maximum d’heures, la personne âgée qui est touchée de plein fouet par la pandémie alors qu’elle termine sa vie dans une maison de retraite ou encore un enfant qui s’aménage des temps pour lui comme il peut alors que ses deux parents n’ont pas le temps de s’occuper de lui. Les nouvelles touchent et sont pleine d’humanité. On retrouve l’écriture rythmée de l’autrice qui fonctionne bien sur le format court. La tension narrative qui fait le sel de ses romans est bien présente, comme dans la nouvelle « Le vieux fusil ». À plusieurs reprises ça monte crescendo et on ne décroche pas. Un bon moment de lecture.

Chambres noires, ed. Belfond, 18 euros, 272 pages.

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