La Foudre / Pierric Bailly

Un meurtre fait ressurgir les souvenirs d’un berger dans le Haut-Jura.

Julien voit ressurgir le fantôme d’Alexandre un ancien copain d’internat, lorsqu’il réalise que ce dernier est à l’origine d’un meurtre. Il a du mal à y croire au début et finalement il se rend compte que c’est bien son ancien pote devenu vétérinaire et fervent défenseur des animaux qui a tué un jeune homme avec une planche. Julien, qui est berger dans le Haut-Jura, commence alors à cogiter et finit par joindre Nadia au téléphone la femme d’Alexandre. Sans vraiment savoir pourquoi il s’embarque dans cette histoire et devient le confident de Nadia dans l’épreuve qu’elle traverse avec son enfant. Alexandre se retrouvant de son côté en prison puis étant ensuite jugé dans un tribunal lyonnais. Le livre a eu un fort écho lors de sa sortie et a pas mal clivé. Je trouve que le regard de Pierric Bailly est toujours aussi juste sur les relations humaines, comme dans « Le roman de Jim ». L’histoire n’est pas forcément originale, mais c’est plutôt son traitement qui la rend intéressante. On retrouve le talent de l’auteur pour dépeindre les ambivalences de ses personnages, leurs contradictions, leurs sentiments. Les liens entre les personnages et notamment entre les générations ont toutes leurs importances. La nature a aussi une grande place dans le livre et fait partie intégrante de l’histoire avec de magnifiques paysages de montagne. L’auteur écrit avec « La foudre » un nouveau roman sensible qui croise des thèmes importants pour lui, de la filiation à la culpabilité en passant par le sentiment amoureux. Un bouquin que l’on a du mal à lâcher.

La Foudre, ed. P.O.L, 24 euros, 464 pages.

On dirait des hommes / Fabrice Tassel

Une juge enquête sur la mort accidentel d’un enfant et découvre qu’il y a rarement des histoires simples.

Thomas est loin de se douter que lorsqu’il sort de chez lui avec son fils Gabi pour aller se balader sur le bord de mer, un drame va se produire. Son fils tombe et est emporté par la mer sans que le père ne puisse rien y faire. Anna et Thomas sont détruits par cet événement et passé l’état de sidération, le couple décide de porter plainte en mettant en cause les infrastructures du bord de mer. La juge d’instruction Dominique Bontet est mise sur l’affaire et elle est connue pour ne rien laisser au hasard dans son travail. La juge, un personnage vraiment réussi je trouve, va chercher à comprendre petit à petit les événements, mais aussi comment fonctionne ce couple et comment il a pu leur arriver une telle tragédie. Fabrice Tassel écrit un roman noir avec des personnages fouillés et ambivalents. La narration fait monter crescendo la tension et à l’arrivée cela donne un récit plein d’humanité mais aussi de parts d’ombre et de mensonges. On y aborde la paternité, la vie de famille et les violences pas toujours visibles du quotidien. Le tout avec beaucoup de justesse.

On dirait des hommes, ed. La manufacture de livres, 19,90 euros, 288 pages.

Petiote / Benoît Philippon

Un père décide de prendre en otage les occupants d’un hôtel pour obtenir la garde de sa fille. Ça se pose là comme pitch.

Gus lutte pour obtenir la garde de sa fille mais sa situation précaire et son caractère ne plaident pas en sa faveur. Il décide alors de passer la vitesse supérieure pour mettre la pression à la juge qu’il ne porte pas dans son cœur. Il est bien décidé à passer plus de temps avec sa fille même si la principale concernée n’est pas non plus enchantée par l’idée. C’est là qu’une idée lumineuse lui vient, prendre en otage les occupants d’un petit hôtel avec sa fille dans le lot, pour exiger des autorités un avion et pouvoir se tailler à l’autre bout du monde. Vaste projet. Ni une ni deux il met son plan en marche et ce qui est certain c’est que cela ne va pas se passer comme prévu, de la commandante de police qui dirige les opérations aux différents otages sous les ordres de Gus, le lecteur n’est pas au bout de ses surprises. Benoît Philippon avec son ton enlevé et ses personnages marginaux est doué pour faire apparaître des bouts d’humanité au détour d’une page. L’action est savamment dosée dans ce roman noir plein de bons mots. La nouvelle fournée d’un auteur toujours aussi recommandable.

Petiote, ed. Les Arènes, 19,90 euros, 375 pages.

La décision / Karine Tuil

Une fiction d’un réalisme rare et au rythme soutenu.

Alma est juge d’instruction au pôle antiterroriste et elle suit une affaire dans ce roman qui va l’impliquer plus que prévu. Le lecteur découvre sa vie et le métier de juge au fil de l’intrigue tout en suivant l’affaire qui l’occupe. Une affaire où la juge doit décider ou non si un homme doit être libéré de sa détention provisoire. Une partie du récit est composé de ces interrogatoires où l’on découvre ce second personnage. Dans ce dernier roman, on retrouve le ton de Karine Tuil, un ton d’une efficacité redoutable, qui s’adresse au lecteur sans détour. L’autrice porte un regard sans fard sur la société, sur ces travers. Elle embarque le lecteur facilement et comme dans « Les choses humaines » on a du mal à décrocher, l’alternance entre les interrogatoires de l’homme suspecté et les pages sur la vie d’Alma fonctionne. L’autrice se penche sur l’insoutenable dans cette histoire, sur un sujet qui tend et c’est loin d’être évident. Sans forcer le trait et avec un travail documentaire important, elle livre une fiction prenante où l’on retrouve toute l’ambigüité de chacun et chacune.

La décision, ed. Gallimard, 20 euros, 304 pages.

Les boiteux / Frédéric L’Homme

Une guerre des polices dans un roman noir savoureux.

Le Rouergue édite avec ce roman de Frédéric L’Homme un polar dans la France du début des années 80 où les boiteux du Boulevard Soult s’opposent à la police judiciaire dans une singulière guerre des polices. Les boiteux, c’est à dire la police de sûreté et de surveillance, peuvent agir dans la lutte antiterroriste en échappant au contrôle des juges à l’inverse de la PJ. Louise est une jeune inspectrice des boiteux spécialiste des affaires d’infiltration et doit surveiller les agissements de son coéquipier Perrin qui est soupçonné de collaborer avec la police judiciaire.

Évidement les choses sont plus complexes que cela et d’anciennes affaires ressortent ce qui ne va pas arranger les affaires des deux camps qui ont encore un certain nombre de comptes à régler. Les boiteux sont de sacrés personnages qui servent l’État mais n’hésitent pas à remettre en question les ordres grâce à leur marge de manœuvre. Cela rend jaloux la PJ évidement et ne facilite pas l’entente cordiale. De l’île de Noirmoutier au 20e arrondissement de Paris en passant par l’Ardèche, on suit Louise l’ancienne agente infiltrée et le commissaire Perrin dans des péripéties qui vont finir par dépasser le duo. C’est une focale que l’on voit rarement dans le roman noir la guerre des polices et c’est traitée avec justesse. Très belle surprise ce roman noir, on en redemande.

Les boiteux, Ed. Du Rouergue, 20 euros, 272 pages.

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