Fief / David Lopez

Une troupe de potes et des vies qui s’écoulent. Un roman marquant.

« Fief » au risque de répéter ce qui a été dit et redit lors de sa sortie est avant tout un roman avec une langue travaillée, qui marque. La langue d’un auteur qui a trouvé sa plume et qui décrit avec beaucoup de justesse les vies de jeunes marginaux vivant en banlieue. Ni dans une très grande ville, ni dans une campagne perdue. On rencontre Jonas et ses potes, on découvre leurs quotidiens et on les suit du club de boxe aux soirées plus ou moins galères en passant par les souvenirs de leurs enfances. Comme dans le roman récent de Diaty Diallo, David Lopez s’attarde sur ses jeunes sans jugement ni pathos. Il y a un réalisme et une vraie atmosphère qui se dégage de ce roman, l’intrigue n’est pas l’enjeu. On visualise tout de suite les scènes et en même temps on sent que l’auteur n’est pas dénué d’empathie pour ses personnages, notamment Jonas le roi de l’esquive, le personnage principal. « Fief » est une belle découverte.

extrait : « Alors que nous ce sont des bleus, des poumons encrassés et quelques neurones qu’on sème sur un chemin qui ne fait rien d’autre que tracer une boucle. »

Fief, ed. Points, 7,60 euros, 240 pages.

Plein Gris / Marion Brunet

Un groupe d’amis organise une traversée à la voile qui va tourner au cauchemar.

Cinq amis se retrouvent sur un voilier pour une traversée jusqu’en Irlande. Les lycéens sont jeunes mais expérimentés et ont déjà pas mal d’heures de voile au compteur. Cette fois-ci les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. Et plus particulièrement le retour puisqu’une tempête de l’espace s’annonce. Ajouté à cela une scène d’ouverture où les jeunes skippeurs retrouvent l’un d’entre eux à la mer et vous avez tous les ingrédients pour une histoire comme Marion Brunet sait si bien les construire. Un peu comme dans « Sans foi ni loi », un western d’enfer avec une héroïne marquante, on retrouve des personnages féminins forts qui ne se laissent pas abattre malgré les circonstances. Ce roman est à la frontière entre le thriller et le roman d’aventures et comme souvent chez cette autrice (lisez Vanda !) c’est réussi.

Plein Gris, ed. Pocket Jeunesse, 16,90 euros, 196 pages.

Le Sourire du scorpion / Patrice Gain

L’auteur écrit sur la reconstruction d’une famille après un drame. Un très beau roman noir.

Une famille de baroudeurs décide de sortir dans un canyon en raft avec un guide pour se procurer de nouvelles sensations fortes. Malheureusement la petite aventure pour les parents et leurs deux enfants va tourner court et prendre une tournure dramatique. La suite du récit fait monter la tension progressivement et les personnages sont loin d’imaginer les découvertes et les conséquences liées au drame.

Patrice Gain écrit avec beaucoup de justesse sur la nature, sur la famille et sur les comportements humains. Les descriptions sans être trop longues sont importantes pour restituer l’atmosphère du roman. La nature peut être belle et dangereuse d’une page à une autre. La relation entre les jumeaux tout au long de l’histoire est aussi poignante. Ce roman noir qui sonne juste est très difficile à lâcher une fois démarrer. Une claque.

Le Sourire du scorpion, Ed. Le mot et le reste, 19 euros, 208 pages.

Laisse pas traîner ton fils / Rachid Santaki

Un récit sur la violence d’une jeunesse dopée aux réseaux sociaux et au shoot d’adrénaline.

Les règlements de compte dans certains quartiers sont parfois très violents. Cela peut gravement déraper comme c’est le cas dans le dernier roman noir de Rachid Santaki. Repéré dans un numéro de l’Indic, j’avais hâte de le lire et c’est loin d’être une déception.

Une combine tourne mal et la vengeance qui va se mettre en place va avoir de nombreuses répercutions. Les réseaux sociaux vont s’emmêler tout comme les journalistes sur la scène médiatique.

L’auteur soulève de nombreuses questions et les amalgames sur les quartiers ou sur la jeunesse sont évités. Il creuse derrière ses personnages, creuse dans leur entourage pour les rendre plus complexe qu’on ne le pense. C’est aussi ce que j’ai trouvé intéressant, cette façon de questionner les différents personnages quelque soit les actes commis. Une façon de sortir le lecteur de sa zone de confort tout en permettant de prendre de la hauteur par rapport aux évènements abordés.

Rachid Santaki écrit un récit tiré au cordeau à la lisière entre la réalité et la fiction. Très efficace, il se lit rapidement. L’auteur écrit à la première personne et de nombreux éléments sont issus de sa vie (les ateliers d’écriture en prison, le fait qu’il soit écrivain, son département d’habitation, etc.). On sent aussi une certaine maturité par rapport aux premiers livres. L’expérience de terrain nourrit à merveille son travail d’écrivain et aiguise son regard sur une jeunesse désabusée. Ce roman noir fait réfléchir et surtout sonne juste.

(le titre est parfait par rapport à l’histoire et le clin d’œil à NTM ne gâche rien)

« À aucun moment je ne veux faire ou mettre les projecteurs sur un ou des individus mais sur la violence. Ce livre est une immersion au cœur de la violence. »

Laisse pas trainer ton fils, Ed. Filatures, 18 euros, 151 pages.

Manger Bambi / Caroline de Mulder

Une ado lutte et tente de fuir un chemin de vie en carton.

Bambi a trouvé un plan pour gagner un peu d’argent et elle compte bien le mettre en place. Du haut de ses quinze ans, elle décide de répondre à des annonces d’escort girl pour dépouiller ensuite ses prétendants. Sauf qu’il manque une donnée, Bambi est loin d’être une ado calme et posée. Elle est plutôt du genre énervée et à convoquer la violence en cas de besoin (plutôt deux fois qu’une). Ses accès de colère vont-ils lui jouer des tours ? Est-ce que ses amies vont la suivre dans ses plans qui peuvent tous déraper en deux secondes ? Rien de certain.

Caroline de Mulder crée un personnage ambivalent, qui laisse transparaître à certains moments du roman une forme de fragilité. Une fragilité qui est le fruit de l’environnement dans lequel Bambi grandit. Un environnement avec une mère violente et où l’alcool n’est jamais loin. Un environnement où les hommes sont dangereux.

Ce roman noir est âpre. Que ce soit dans la langue, dans les thèmes traités ou dans les scènes, rien n’est fait pour ménager le lecteur ou la lectrice. C’est aussi ce qui fait la force de ce bouquin à découvrir. Un bouquin sur une jeunesse en quête de sensations et en même temps qui tente de survivre face à des mondes violents et sans scrupules.

« C’est des insectes, elles pensent niquer la lumière et elles se retrouvent collées sur le phare d’une Benz. »

Manger Bambi, Ed. Gallimard, coll. La Noire, 18,50 euros, 208 pages.

Et je veux le monde / Marc Cheb Sun

Un roman coup de poing, social et politique.

Le premier livre de la collection La Grenade chez JC Lattès est écrit par Marc Cheb Sun et est une petite pépite. On découvre une langue singulière dès les premières pages, avec un ton sans filtre, très juste, qui m’a beaucoup plu. La musique fait partie intégrante du récit, de PNL à Mariah Carey en passant par Gainsbourg, l’auteur se régale avec des références bien senties (étroitement liées à ses personnages).

Le lecteur découvre ici la vie d’un quartier parisien ou plutôt l’envers du décors. Une vie de quartier bouillonnante qui entraîne plusieurs personnages dans son sillage (jeunes, politiciens véreux, éducatrices, comédiens, commerçants, etc.). Les relations qu’ils entretiennent nous font tourner les pages dans une forme de tension. Ce livre est une claque et soulève de nombreuses questions, en mêlant habilement les thèmatiques (politiques, sociales, urbaines). J’ai hâte de découvrir les autres titres de cette nouvelle collection.

Et je veux le monde, Ed. JC Lattès, 19 euros, 336 pages.

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