Murène / Valentine Goby

Un roman sur le rétablissement d’un homme et qui laisse à penser sur la réception du handicap dans la société d’après guerre.

L’intrigue se déroule dans les années 50, ce qui correspond aux débuts de l’handisport. François, le personnage de Valentine Goby, est amené dans les premiers temps du livre à se rendre dans les Ardennes en camion pour y travailler sous la neige. Le camion tombe en panne et François en allant chercher de l’aide se retrouve à monter sur un wagon pour repérer un village aux alentours. C’est là que l’accident arrive et que le jeune homme de vingt-deux ans est électrocuté par la ligne à haute tension. Il s’en sortira avec un handicap physique en perdant ses deux bras. L’autrice à partir de cet évènement marquant développe la vie d’un homme qui tente de se construire avec un handicap, dans une société qui stigmatise et ne facilite rien. François lutte pour retrouver une vie normale, sa famille et ses proches tentent de l’aider et le livre a aussi de très beaux passages sur le rôle des aidants. L’écriture de Valentine Goby est au plus près du corps, de la chair. On sent que la romancière a accumulé de la documentation et que rien n’est laissé au hasard dans les descriptions cliniques de la guérison, du rétablissement, de la vie sans ses deux bras. Jusqu’au jour où François se rapproche d’une amicale de sportifs qui ont la particularité d’être aussi porteurs d’un handicap comme lui. C’est le début d’une nouvelle période importante de sa vie dans laquelle il va redécouvrir son corps et son rapport au monde à travers l’activité physique. Pour cela il choisit la natation qui aux premiers abords lui semble dangereuse et compliquée. Un sport qui sera ensuite une vraie révélation pour avancer au quotidien. Le lecteur perçoit alors petit à petit le lien qui se tisse avec les prémices de l’handisport en France. « Murène » est un très beau roman aboutit sur la question du handicap et du corps, sur ce que cette question charrie dans la société française d’après guerre notamment avec les blessés de guerre. Les descriptions sont cliniques, les sensations des personnages sont palpables.

Murène, ed. Actes Sud, 21,80 euros, 384 pages.

Darktown / Thomas Mullen

Une enquête dans l’Atlanta d’après guerre.

Très belle surprise éditée en poche chez Rivages, avec ce roman noir se déroulant à Atlanta en 1948. Thomas Mullen nous invite à découvrir un duo de policiers, Lucius Boggs et Tommy Smith. Deux vétérans de guerre faisant partie des premiers policiers noirs du département de police de la ville. L’auteur construit une intrigue sombre où le racisme et la ségrégation raciale sont omniprésents. L’atmosphère est pesante tout au long du roman et les deux agents vont être confrontés quotidiennement à la haine raciale (que ce soit au sein de la police ou en dehors).

En toile de fond, Thomas Mullen réussit à construire son roman autour d’une ville dans la tradition des auteurs qui décrivent à merveille les quartiers et les arcanes de leurs villes de prédilection (Sara Gran et La Nouvelle-Orléans, George Pelecanos et Washington, James Ellroy et Los Angeles, etc.). Atlanta en pleine mutation peut ici aussi, être considérée comme un personnage à part entière. Je vous conseille ce livre et je suis curieux de retrouver les deux enquêteurs dans Temps noirs, le dernier roman de l’auteur sorti en mars cette année.

Darktown, ed. Rivages poches, 9,80 euros, 500 pages.

Traduit par Anne-Marie Carrière.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer