Poursuivre la lecture des livres de Séverine Chevalier. Retrouver ses personnages marginaux, ses descriptions uniques de coins reculés, de campagnes qui changent au gré des années, au gré d’une industrialisation révolue. Dans « Les mauvaises », on prend la direction du Massif central. Trois amis tentent de grandir dans la région, d’avancer malgré les évènements qui heurtent leur jeunesse de plein fouet. L’amitié est fragile mais elle existe. Il y a Roberto qui du haut de ses quinze ans a beaucoup de mal à composer avec une réputation qu’elle traîne. Il y a Ouafa, autre jeune fille qui elle est stigmatisée car elle n’est pas du coin. Et enfin le jeune Oé, en décalage permanent avec le monde qui l’entoure et qui est régulièrement stigmatisé pour cela. Séverine Chevalier construit ses trois personnages avec la justesse qu’on lui connaît et c’est poignant de les voir lutter dans un quotidien qui s’annonce compliqué. C’est aussi une lutte contre ce que le monde des adultes a à leur offrir, et qui est parfois abjecte. Une partie du récit se déroule dans les années 80, avec au début le suicide d’un des trois jeunes alors qu’une autre partie du récit plus contemporaine relate les petites vies qui ont tenté de traverser cet évènement marquant. La communauté se dessine sous les yeux des lecteurs, autour des trois jeunes. De l’étranger qui débarque dans le coin et qui est vu comme dangereux au grand-père qui enchaîne les problèmes de santé et qui cache des facettes monstrueuses en passant par la mère de famille qui a tout quitté et qui tente de se reconstruire dans cet environnement difficile à cerner. L’autrice met le doigt avec une lucidité désarmante sur les petites compromissions de chacun et chacune, sur les non-dits et les faux semblants. L’écriture est marquante tout comme l’atmosphère, les romans noirs de Séverine Chevalier sont décidément à part. Magnifique.
Les mauvaises, ed. La manufacture de livres, 18,50 euros, 192 pages.
Les mafieuses 