Appartement 816 / Olivier Bordaçarre

Un roman étouffant, sombre, où l’isolement et ses effets sont omniprésents.

Un homme de 41 ans vit avec sa femme et son fils au neuvième étage d’un appartement. Jusqu’à là rien de bien surprenant. Sauf que la société dans laquelle ils vivent traverse plusieurs vagues de virus et que le confinement chez soi est de mise depuis maintenant trois années. La France confine ses citoyens sur de plus ou moins longues périodes. Des règles précises sont édictées et elles réduisent les libertés de manière significatives en régissant le quotidien. Autant vous le dire tout de suite, cela va plus loin que ce que l’on est train de traverser en termes de restrictions. Du drone qui passe devant les fenêtres pour voir si les horaires d’aération sont respectés à la tenue intégrale nécessaire pour récupérer les livraisons de denrées de première nécessité devant chez soi en passant par les peines lourdes en cas de non-respect des règles, la sensation d’enfermement n’est pas loin pour le lecteur. Alors cet homme écrit. Didier Martin écrit sur son quotidien morose comme un exutoire, comme un baume. Ce qu’il pense du confinement qu’il traverse, ce qu’il pense des gens qui ne respectent pas les mesures et qui s’y opposent. Il parle aussi de sa famille, d’une vie qu’il prend le temps d’analyser, car il a ce temps, un temps nouveau.

C’est à partir de là que le lecteur découvre une personnalité singulière, voire plutôt inquiétante. Le narrateur n’écrit pas ce quotidien dans des carnets, mais utilise les surfaces qui l’entourent dans l’appartement. Voilà une première découverte étrange et il va y en avoir d’autres. Olivier Bordaçarre décrit ce vase clos qu’est l’appartement 816 et l’auteur injecte le malaise petit à petit dans ce récit pas comme les autres. Il pose sa focale sur la folie des hommes et son narrateur devient antipathique au fil des pages, flippant. D’un pragmatisme à toutes épreuves, on se demande où ses réflexions vont le mener. La suite n’est pas réjouissante et va nous faire réfléchir sur les conséquences inattendues d’un enfermement généralisé, notamment les conséquences psychologiques.

Appartement 816 est un roman très noir, qui montre à sa façon les aberrations d’une société qui lutte et où parfois le non-sens est roi.

Appartement 816, ed. L’Atalante, coll. Fusion, 14,90 euros, 160 pages.

Les rêves qui nous restent / Boris Quercia

Un roman prenant à la frontière entre le roman noir et la science fiction, sombre à souhait.

Boris Quercia change de registre après avoir fait bourlingué pendant plusieurs romans noirs son personnage marquant et taciturne Santiago Quiñones, flic à Santiago au Chili. Dans « Les rêves qui nous restent », l’auteur emmène son lecteur dans une société futuriste. Il construit un monde autour d’une population privilégiée qui vit dans la City et qui est séparée par une frontière avec le monde extérieur, hostile et où les lois n’ont plus cours. La City fonctionne grâce aux travailleurs pauvres qui traversent tous les matins la frontière et qui font tourner l’économie. Des robots, les « électroquants », plus ou moins évolués selon les richesses de leurs propriétaires, accompagnent les hommes pour les aider dans leurs tâches au quotidien et une partie de la vie est régit par les relations avec ces machines. Les relations avec les « électroquants » ne se sont d’ailleurs pas toujours passées sereinement comme vous le découvrirez. Dans cet univers singulier, le lecteur fait connaissance avec un nouveau flic, Natalio. Un classe 5, autrement dit un flic relégué à des tâches plutôt ingrates et qui est obligé de compléter son petit salaire avec des missions officieuses. Il se retrouve sur une affaire où une grande entreprise cherche à cacher des choses. Il met alors le nez dans un maelstrom qui va l’amener à croiser des syndicalistes ambiguës, des trafiquants ou encore de riches personnages hors sols.

On retrouve la patte des polars de Boris Quercia dans ce roman, qui transpose à merveille dans un univers de science fiction l’ambiance sombre et l’atmosphère pesante caractéristiques de l’auteur. De la politique à la santé mentale en passant par les questions que posent les avancés technologiques, ce quatrième roman de l’auteur est passionnant. Les robots peuvent-ils devenir autonomes ? Pour quelles conséquences ? Comment les populations sont manipulées dans cette société ? Quel rôle joue la psychiatrie ? Quelles matières premières deviennent précieuses dans ce contexte ? Autant de questions qui se posent au fil du récit tout en tenant en haleine le lecteur lorsque les évènements s’accélèrent pour Natalio. Le progrès a parfois un coût exorbitant que ce soit financier ou humain. « Les rêves qui nous restent » nous le montre très bien. Si vous ne connaissez pas la plume de cet auteur c’est une très belle occasion de la rencontrer. Un roman qui happe, qui ne rassure pas et qui fait réfléchir. Un vrai coup de coeur.

Traduit par Gilles Marie et Isabel Siklodi.   

Les rêves qui nous restent, ed. Asphalte, 20 euros, 208 pages.

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